Ceux et celles à qui je fais de la peine chaque fois que je
tonitrue mes exploits d'abatteur d'arbre, je les rassure : les arbres savent se défendre, il y en a encore un qui vient de me mettre au tapis et il a fallu miracle pour que je m'en sorte vivant
et valide. La Principauté, c'est ma fierté, est demeuré un espace primaire d'aventures où l'on se gausse du principe de précaution.
Mais cela fait mal parfois.
Il était déjà arrivé qu'un arbre me cloue au lit, et là c'est un autre qui m'a asséné un tel coup de bélier qu'il m'a catapulté sur plusieurs mètres. Vocabulaire médiéval, n'est-ce pas ? Celui
qui m'avait cloué au lit, si on a le temps, on peut aller lire là ce qu'il est advenu (non,
pas brûlé mais, comme les taureaux qui se battent bien et encornent le toréador, il a été épargné et il trône dans la salle à manger).
Celui-ci, ce n'est pas moi qui l'ai abattu,
je le jure, mais il fallait bien que j'en fasse quelque chose. C'est le vent ou la neige, je ne sais plus, qui l'avait carrément déraciné et cela vous a une telle allure, un gros arbre déraciné,
avec ses racines à l'air, un peu comme un homme sans pantalon, quoi, qu'il fallait bien faire quelque chose. J'ai commencé à le débiter par la pointe, en mesurant bien les bûches, carter sur
coupe fraîche, coup de chaîne au bout du guide, un pied six pouces (le poêle-cheminée est de conception belge) et puis je suis arrivé sur l'obstacle.
L'arbre était tombé entre ses frères qui l'avaient plié, cintré, bandé comme un arc ; il était comme un ressort comprimé, un
membre arqué contraint par un boxer trop exigu, tout prêt à sauter, à se détendre. Pour se défendre. Et à cet endroit le tronc faisait bien 30 cm de diamètre.
J'ai pris le temps de réfléchir, je craignais de coincer la chaîne. J'ai bien identifié où les fibres allaient se resserrer
sur elle. Il me fallait donc faire l'entame là mais ne pas y rester. J'ai trop pensé à la chaîne et pas assez à moi, je me suis placé de l'autre côté, du côté où ça ne risquait pas de coincer la
chaîne, certes, mais vers où le coup allait partir.
Comme une explosion, dans les côtes côté cœur. J'ai été projeté à deux bons mètres, étendu dans les babets, souffle coupé,
l'esprit vacant puis soucieux de sang : où la tronçonneuse, rabattue sur moi par le tronc, m'avait-elle entaillé ? Nulle part, merci Herr Stihl pour votre blocage de chaîne sur
rebond. Par contre, tout soudain, la douleur dans les côtes !!!
Cet arbre-là, pour l'instant j'ai épargné ce qu'il en reste, le plus gros ; juste ébranché, et j'attends l'avis des
aficionados, pouce en l'air ou pouce en bas ? Et pour en faire quoi ?
Pour l'instant, j'en ai fait ce bac à fleurs, mais il en reste dix fois plus long.