Écho des Trois Clochers n°44, ou 33è épisode de la Chronique de Montpoulet.
L'Écho des Trois Clochers est un des périodiques du village français à la frontière de Montpoulet. Il contient ce 33é épisode de La Chronique de Montpoulet. L'épisode reprend quelques articles déjà publiés ici de façon disparate. Les voici ici réunis avec davantage de photos.
33è épisode : L'affriolant frôlement des frelons.
Résumé des épisodes précédents : Françoise et Bernard ont racheté en 1994 la ferme totalement en ruines de l’arrière-grand-père de Bernard, à Montpoulet, Saint Victor. Ils viennent d’abord y passer leurs vacances et défrichent. Ils retrouvent la source, une faune fabuleuse, des voisins hospitaliers tandis que la configuration cabalistique des fondations les fait espérer un trésor. Ils viennent s’installer dans une caravane en 1997. Leur permis de construire est accepté après trois refus, et les travaux vont bon train malgré l’amateurisme de ces néo-ruraux. Après avoir retourné son tracteur trois fois, Bernard fait écrouler toute une façade, deux pins douglas manquent tout juste lui coûter la vie, et leur petit poulailler est régulièrement razzié par renards, rapaces ou fouines (voyez les numéros précédents de l'Écho des Trois Clochers, ou bien http://www.magnouloux.fr). Et dans la série Nos amies les bêtes, d'autres animaux leur créent des soucis :
Les frelons par exemple. Après plusieurs nids dans des murs, invisibles, nous en avons eu deux en en plein air de toute beauté. En effet les frelons sont des artistes. Il ne sont pas agressifs, c'est juste que, par comparaison avec les guêpes de terre qui attaquent tout ce qui bouge, et étant donné qu'un frelon est cinq fois plus gros qu'une guêpe, dont il se nourrit, soit dit au passage, on craint le pire. Le frelon est discret : Françoise est allée maintes fois près du premier nid, caché derrière un arbalétrier du planchat, sans les remarquer du tout, tellement le véritable artiste est discret. Mais quand ils ont commencé à venir butiner les lampes du Palais, il a bien fallu trouver leur repaire, collé aux voliges.
En essayant de ne pas les déranger, nous sommes venus rendre hommage à leur talent d'architectes et de stylistes. Ne dirait-on pas une création d'Antonio Gaudi, le créateur de la Sagrada Familia de Barcelone ?
Leur deuxième œuvre d'art, deux ans plus tard, apparut dans la caravane ; Françoise était venue changer les draps, elle a senti comme une odeur, elle a relevé la tête, ils étaient là, pacifiques, à quelques centimètres de son visage. Elle partie en courant. Nous sommes revenus à deux prendre les draps, ranger, photographier. Ils n'ont rien dit. Françoise leur a même le lendemain amené des admirateurs, des randonneurs australiens qui parcouraient le GR42. Ils ont beaucoup admiré...
Et puis, deux semaines plus tard, j'ai voulu refaire des photos, le nid s'étant agrandi. Et j'ai commis l'erreur d'utiliser un flash. J'ai pris des notes : y'a dû y avoir malentendu. Au premier flash deux éclaireurs me sont venus dessus, j'ai reculé et puis je suis revenu faire une photo de plus près. Ils ont dû prendre l'objectif pour une arme puisqu'ils ont attaqué la main qui tenait l'appareil photo. Un quart d'heure plus tard, je me sens tout bizarre... J'ai des fourmillements sous la plante des pieds et à l'instant, sur le tracteur, j'ai cru que j'allais perdre connaissance, je voulais arrêter le tracteur et aller chercher un téléphone mais pas d'endroit pour se garer, j'ai continué, la nausée s'est finalement enfuie...
La guerre était déclarée. Nous avons pourtant essayé de garder la tête froide : c'était juste le flash ; ils ont cru à une attaque. Une sorte de méprise. On va pas se battre sur un quiproquo quand même ! Non, mais ce qui nous a décidé à passer à l'offensive, ce sont les immondices qui s'amoncelaient sous le nid (pas plus d'Assainissement Non Collectif que de tout-à-l'égout chez la gent frelon) et l'odeur pestilentielle qui en résultait. Françoise a revêtu son armure de chevalier blanc et, deux rafales d'insecticide plus tard, les frelons avaient vécu :
Nos (pas tant) amies les bêtes (que ça), bis :
Ils ont attaqué à l’aube comme il se doit. Ils étaient deux, l’un rabattait, l’autre abattait. Méthodiquement et sans perdre de temps. Sans même celui de la jouissance et de la réflexion. En vrais professionnels. Sans le moindre sentiment. La neige amortissait tous les bruits. Les naines leur ont échappé, grâce à leur pouvoir de voler, mais pas les pondeuses, ni le maître.
Pour garder l’un des deux assaillants prisonnier, le cousin Roger a condamné la porte avec un piquet de tente. Mais la porte a été défoncée et le prisonnier a disparu. J'ai le piquet en main quand je commence à suivre les traces. Intelligentes, les traces, faites pour perdre les poursuivants, avec de nombreux aller-retour. En passant devant le calabert, j’ai une idée. Trois coups de meuleuse et mon piquet devient lance ; alors quand je repars sur les traces de la Bête, je suis Lancier du Bengale à l’assaut de la frontière du nord-ouest, je suis la Cavalerie Fédérale sur les traces des voleurs de chevaux, Calamity Jane et Heraklès en un mélange d’attendrissement féminin (quand même, c’est qu’une bête, c’est pas sa faute, elle avait faim...) et d’inflexibilité vengeresse (Monsieur, si c’étaient mes poules qui étaient venues chez vous, défoncer la porte et tuer votre mastard, n'auriez-vous pas essayé d’empêcher ma volaille de nuire encore ? Et je vous interdis de rire !)
Et puis, hein, marre d’être fonctionnaire et d’être protégé de toutes parts, encadré sous tous les angles, assuré contre vents et marées. Envie de revenir à l’âge de pierre, envie de faire mentir l’évolution selon Darwin, envie d’en découdre avec la vie, même au péril de la sienne…
L’attaque c’était donc vendredi matin, une des deux bêtes, le (chien) loup s’est échappé à l’arrivée de Roger et de Françoise, l’autre fut donc barricadé à l’intérieur. Furieux, il cherchait à sauter par-dessus la grille mais se heurtait au filet anti-rapaces ; debout, il l’atteignait, à 1,80m ! Françoise a appelé la gendarmerie. L’affaire leur paraissant de la plus haute importance, ils annoncèrent qu’ils venaient tout de suite puis, une demi-heure plus tard, que la neige les empêchait de monter. L’armée française n’a pas pu atteindre Montpoulet ! (J'ai pris des notes : en cas de guerre avec la France, attaquer en hiver). Ils conseillèrent d’appeler le maire. Celui-ci conseilla soit d’abattre la bête soit de porter plainte à la gendarmerie.
C’est ce que je fais le samedi matin, après avoir perdu la trace dans la neige. La gendarmette qui prend ma déposition confirme qu’ici, l’armée française traite d’affaires de la plus haute importance stratégique. Sa première déposition, me confie-t-elle alors que je m’excuse de la déranger pour si peu, les dommages étant estimés à… 30 ou 35 €, sans compter c'est vrai le préjudice moral des œufs tout chauds et du cocorico disparus, concernait une plainte contre un coq tonitruant le matin tôt.
Les gendarmes ont bien mené une enquête, nous en avons eu des échos, mais les chiens errants n'ont jamais été retrouvés. Je suis par ailleurs toujours fonctionnaire et Montpoulet n'a pas encore attaqué la France.
On pourrait croire, à lire ces derniers épisodes que nos Amies les Bêtes aient été à Montpoulet nos ennemies. Mais heureusement il y eut aussi les aigles mangeurs de serpents. Des aigles à Montpoulet ? Allons donc ! Et bien si, et je le prouverai au prochain numéro de l'Écho des Trois Clochers.