28é épisode : La Descente aux Enfers
Résumé des épisodes précédents : Françoise et Bernard ont racheté en 1994 la ferme totalement en ruines de l’arrière-grand-père de Bernard, à Montpoulet, Saint Victor. Ils viennent d’abord y passer leurs vacances et défrichent. Ils retrouvent la source, une faune fabuleuse, des voisins hospitaliers tandis que la configuration cabalistique des fondations les fait rêver d’un trésor. Ils viennent s’installer dans une caravane en 1997. Leur permis de construire n'est accepté qu'après trois recours, et les travaux vont bon train malgré l’amateurisme de ces « néo-ruraux ». Après avoir retourné son tracteur trois fois, Bernard fait écrouler les fondations de toute une façade, éventre la piscine et le couple échoue dans son projet de basse-cour à renouvellement automatique.
J'ai donc laissé le lecteur à la poursuite de notre chat Vincett tenant en son bec un des très rares poussins que nous avions réussi à couver électriquement. J'ai donc, il y a deux ou trois épisodes, soumis un mystère au lecteur des Trois Clochers : quel était le pistolet que tenait le veau dans sa patte ? Les lecteurs m'ont éclairé, il s'agissait d'un pistolet à taupes, évidemment absent de tous les catalogues de vrais pistolets. Je vais bientôt soumettre un autre mystère à ces mêmes lecteurs. Juste après une mauvaise nouvelle. Le poussin n'a pas survécu aux dents et aux griffes de Vincett, et ce n'était que le début d'une série de malheurs qui ont frappé notre poulailler : attaque de chiens, de renards, de fouines et surtout de rapaces variés, sans compter une noyade, oui, mais je raconterai cela plus tard.
Je me compare souvent à deux héros de la mythologie gréco-latine, excusez du peu. Le premier est Sisyphe quand je dois rebâtir les murets éboulés des nombreux chalets (terrasses), un travail sans cesse à recommencer. Sisyphe, l'ancien roi de Corinthe, fut en effet condamné à remonter une pierre jusqu'à un sommet puis de la laisser redescendre pour la faire remonter à nouveau. Le deuxième est forcément Héraklès ou Hercule, et ses douze travaux. Je considère en avoir effectué quelques-uns comme le nettoyage des écuries d'Augias (déblaiement, avec Françoise, de la ruine avant de la reconstruire), comme la maîtrise des oiseaux aux plumes d'Airain du lac Stymphale (capture des oiseaux de proie venus attaquer nos poules) ou comme la capture du sanglier d'Érymanthe (une laie et ses trois marcassins pris en photos dans le poulailler, encore). Cette fois je m'attaquai à la fameuse Descente aux Enfers (l'aplanissement d'une surface pour loger la pompe de la piscine) et j'entrepris donc de percer l'écorce terrestre avec Excalibur, mon marteau-piqueur.
Le troisième jour, j'avais France Culture dans mon casque, une émission sur l'archéologie, et pourtant je me suis dit, tiens, elle est pas bien épaisse l'écorce terrestre : Excalibur ne rencontrait plus de résistance, son pointeau tapait dans le vide !
Normalement, dans le granite comme dans toute l'Ardèche Verte, c'est pas possible, pas de cavité naturelle, pas de grotte Chauvet, il ne peut y en avoir, de cavité, qu'artificielle, c'est-à-dire construite par l'homme. Le cœur battant, j'élargis l'ouverture. Apparurent des pierres comme appareillées en voûte et sur la gauche comme un grand vide d'un noir profond.
J'élargis jusqu'à pouvoir m'y glisser. J'étais seul à la maison, je sentais le vide sous mes pieds, je pris peur, je reportais au lendemain. Le quatrième jour je revenais aux aurores, avec une échelle, une baladeuse au bout d'une rallonge de cinquante mètres et... un sabre d'abattis (« machette ») au cas où il se serait agi de l'Hydre de Lerne, dont les têtes repoussent quand on les coupe, un autre des travaux d'Hercule. J'étais en forme. Je suis donc descendu sur le côté d'une voûte, comme dans un embranchement avorté, pour accéder à un étroit souterrain, orienté sud-ouest nord-est...
… construit dans un appareillage rustique en pierres grossièrement façonnées et sur lesquelles j'ai attaché la baladeuse que j'apportais. Environ dix mètres de long, les deux extrémités bouchées comme on l'aperçoit sur la photo de gauche, par des éboulements recouverts d'argile.
Mais ce qui m'a bientôt étonné et passionné, c'est la voûte, un plein cintre comme en terre cuite avec de curieuses inscriptions, à la lumière de ma baladeuse d'abord...
… puis à celle du flash de mon appareil photo, en plan plus large, comme une page d'écriture concave.
Que faire ? Prévenir le Louvre ? Commencer des études d'histoire médiévale ? Quérir un linguiste ? Descendre Excalibur pour excaver et aller au-delà des éboulis et voir où mène le souterrain ? Je fais confiance au lecteur des Trois Clochers pour m'indiquer mon devoir ou me révéler la signification de ces hiéroglyphes.