La nature fait-elle bien les choses et les médecins connaissent-ils la réponse ?
Année de foin année de rien, dit ma mère.
Juste après avoir posé mon pied gauche sur l’herbe sèche que je venais de couper, je me suis affallé brutalement. C’est extrèmement glissant l’herbe sèche, je me souviens d’un été où pour aller mettre en route la pompe en bas de la pente, je descendais en luge. Je me suis affallé brutalement sur le côté droit et la convexité de mon grill costal s’est écrasée sur celle du bloc moteur de ma débroussailleuse ; « grill costal », c’est comme ça qu’ils vont dire à l’hôpital. Je me demande ce qu’on peut y faire griller. Des côtelettes, sans doute. Souffle coupé, j’ai tout juste pensé à couper le contact. Douleur intense, j’ai repensé au précédent écrasement de grill costal. Il s’était soldé par un pneumo-thorax. Aussi j’attends que la douleur s’atténue avant de reprendre le travail. Le dimanche, je rentre aussi trois remorques de bois sans trop souffrir. Mais le lundi matin, après trois autres remorques, la douleur est telle que j’ai de la peine à descendre du tracteur. Je me dis alors que y’a certainement quelque chose de cassé et puisque cela me fait bien plus mal que l’autre fois, qu’il n’y en a pas qu’une de cassée, de côte. J’appelle mon médecin qui me dit d’aller directement aux urgences. J’ai de la peine à entrer dans la voiture et le moindre soubresaut m’arrache un gémissement.
Les urgences sont un jeu de piste. Une partie de l’hôpital a brûlé et des flèches indiquent un nouvel emplacement. Je me perds un peu, me méprend sur le sens des nombreux placards et me retrouve à faire la queue en médecine. Puis enfin aux urgences où une secrétaire me fabrique un joli bracelet avec mes nom, prénom et date de naissance, au cas où je serai pris d’amnésie subite, ainsi qu’un très impressionnant code barre dont je suppose qu’il contient tout mon dossier médical. C’est ce que je crois encore quand la blonde urgentiste lit sur son écran que je suis venu l'an dernier me faire coudre une entaille de tronçonneuse. « Oui, je suis très maladroit », je confirme. Mais le code barre n’est qu’un numéro (« Je ne suis pas un numéro ! Qui est le numéro Un ?»)
Elle a l’air surprise que je sois venu par mes propres moyens. « Il y en a qui n’hésitent pas à appeler les pompiers pour une blessure à la main », explique-t-elle.
Elle m’ausculte avec les mains, me fait un mal de chien en m’appuyant sur le ventre, bizarrement, et puis avec un échographe même sous la ceinture de mon pantalon qu’elle défait elle-même (!). Et puis on vient me chercher pour la radio alors qu’elle m’a engagé dans un débat sans fin sur le niveau qui baisse en français dans la génération de ses enfants.
Finalement rien n’est cassé. La nature n’est donc pas bien faite puisque une côte cassée fait moins mal que rien de cassé. « Mais je vous interdis tout effort », me dit-elle avec un sourire malicieux comme si elle savait que je n'obéirais pas. Elle m’explique que même sans fracture, les ligaments, tendons, et vaisseaux sanguins ont franchement été dérangés par la convexité du bloc moteur. « Et je vous ai fait une ordonnance qui comprend un anti-douleur, un décontractant musculaire et un anti-inflammatoire ».
Il n’y a pourtant, je pense, que la douleur pour m’empêcher de reprendre le débroussaillage… C’est donc qu’elle, docteur en médecine, ne pense pas que la nature soit bien faite.