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la chronique de montpoulet

13- Pris en otage dans le coffre du banque

Publié le par BMx

 

Quand la porte de la banque s’est ouverte sans la procédure habituelle j’aurais dû me méfier. Quand j’ai aperçu l’homme au visage tellement patibulaire qu’il aurait  filé les jetons à Dracula, j’aurais dû partir en courant.

            Si je ne l’ai pas fait c’est que j’étais en train de discuter avec ma collègue de Technologie. Elle et moi venions mettre en banque le produit de la vente des brioches par les Troisièmes Techno pour financer leur voyage au Futuroscope. Quelques centaines de francs que je portais dans un sac de supermarché. Je n’ai commencé à m’inquiéter que quand l’homme nous a mis un pistolet sous le nez, nous a bousculés vers l’escalier qui descendait à la salle des coffres. J’ai alors compris pourquoi l’homme avait une tête de malfrat : c’en était un !

            L’atmosphère de la salle des coffres était… tendue. Nous nous glissâmes jusqu’au fond. Un deuxième malfrat enjoignait assez brutalement à une employée de la banque de sortir plus d’argent. « C’est pas assez !!! » hurlait-il. La femme, en pleurs, s’empêtrait dans ses clefs. Et moi j’essayais de cacher le sac plastique derrière mon dos. Un quinquagénaire téméraire voulut s’interposer. Le malfrat lui mit son pétard sur la tempe. L’homme se calma. Ma collègue commença à paniquer, comme si elle allait piquer une crise de nerf.

            Il en fallait pourtant des solides, des nerfs, pour enseigner en troisième techno dans un collège de banlieue parisienne. Je me souviens qu’à mon arrivée, la Principale m’avait attribué la quatrième techno en disant que cela serait une expérience très formatrice. Tu parles ! C’était surtout qu’aucun collègue n’en voulait et qu’on les refilait aux nouveaux. Ces classes étaient des sortes de rebuts où l’on se débarrassait des élèves perturbateurs ainsi que des élèves en difficulté. Ces derniers se retrouvaient vite les otages des premiers et le climat délétère les transformait eux-mêmes en élèves désagréables, aussi vrai qu’une pomme pourrie fait pourrir tout un panier. J’enseignai l’anglais, je ne les avais donc que trois heures par semaine. Une chance par rapport à la collègue de technologie qui les avait des demi-journées entières. Le défi était de la faire craquer. Ce fut chose faite très rapidement la première année : la titulaire du poste étant en congé maladie pour dépression nerveuse, on avait mis à sa place une jeune Antillaise qui fut mangée toute crue mais qui ne le disait pas. L’ambiance de chahut qui régnait avec elle eut donc tendance à s’étendre aux autres cours. J’avais pour moi l’avantage de l’âge et pourtant plus d’une fois je me suis dit « si dans la minute qui suit, tu fais pas quelque chose de génial, t’es foutu ! ». Il m’est même arrivé de perdre mon sang-froid et de fondre sur un élève insolent avec l’intention de le prendre par l’oreille pour l’emmener au coin. C’était oublier qu’il s’agissait d’un grand escogriffe de seize ans qui ne se laissa pas faire. Comme il se levait, je pris cela pour une agression et instinctivement, l’immobilisai d’une clé au cou. Les autres élèves nous séparèrent, l’élève partit se plaindre chez la principale. Je repris mon souffle et mon cours dans un silence de plomb.

            La principale m’écouta d’un air très désapprobateur  mais me dit qu’elle attendrait que les parents portent plainte pour faire quoi que ce soit. Non seulement les parents n’ont pas porté plainte mais l’élève en question m’a manifesté ensuite le plus grand respect. L’année suivante cette nouvelle collègue est arrivée et comme elle maîtrisait bien la troisième techno, je lui trouvais du cran. Jusqu’à cette salle des coffres. J’essayai de la rassurer en prétendant que l’argent des brioches n’intéressait pas les braqueurs et que, de toute façon, je ne le leur donnerais pas sans résister. J’ajoutai aussi que plus nous resterions dans le coffre et plus longue serait pour nous la récréation. Rien n’y fit.

C’est le bruit de la porte blindée se refermant sur nous qui sécha ses larmes. Les malfrats étaient partis. La vingtaine de prisonniers retint son souffle pendant que le directeur appliquait son oreille à la porte pour vérifier que les braqueurs ne revenaient  pas. Rassurés, les employés se livrèrent alors à une opération qui montrait à quel point ils venaient de vivre un événement routinier. En déplaçant une lourde table métallique, ils extirpèrent d’une niche dans le mur un combiné téléphonique et appelèrent la gendarmerie qui nous délivra en cinq minutes.

Nous eûmes tous droit à une tasse de café pour nous remettre de nos émotions mais l’agence étant dès lors fermée pour la journée, il n’y eût pas moyen de mettre l’argent des Troisièmes Techno sur le compte et nous dûmes lui faire affronter l’insécurité du trajet de retour au collège.

Mais voilà plusieurs épisodes que je vous parle de tout autre chose que de Montpoulet. Cela va changer, puisque finalement j’ai obtenu du Mammouth une affectation à titre provisoire pour  Roussillon, en Dauphiné. Je peux donc aussi déménager pour l’Ardèche avec Françoise qui vient, à force de gratter la source de Montpoulet, d’y découvrir des paillettes d’or fin. De l’or à Montpoulet ! Et pourquoi pas un trésor ? Ben oui pourquoi pas un trésor, je vous raconterai cela au prochain épisode.

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12- Prendre le mammouth par les défenses

Publié le par BMx

            Françoise étant plus ancienne que moi dans l’Education Nationale, elle avait beaucoup plus de chance d’obtenir sa mutation. J’avais donc opté  pour une mutation « sous réserves » (...que mon conjoint obtienne la sienne). Je me disais c’est vraiment bien d’avoir pensé à ce cas-là ; c’est donc vrai que la  Mutation Nationale est un système que le monde entier nous envie, comme la Sécurité Sociale. Tu parles ! C’était sans compter avec l’incurie d’une administration pléthorique que le ministre, pourtant socialiste, de l’époque, Claude Allègre, avait dénoncée comme de la graisse de mammouth.

D’abord c’est une certaine Mme Poussineau qui appelle début mai au collège et qui me laisse un message. Il ME fallait LUI dire où Françoise était nommée exactement. Annonay, Privas, Tournon, Aubenas ? Le Mammouth voulait qu’on lui dise ce que lui seul pouvait savoir et qu’il ne nous avait pas encore dit !

— C’est trop tard, nous avons dû annuler votre mutation, vous n’avez qu’à faire une « atépé », vous serez prioritaire puisque nous reconnaissons que le système vient d’avoir un raté, me dit-on au téléphone, après que j’eus expliqué que je ne pouvais pas savoir pas où Françoise serait nommée.

Et sans me dire ce qu’était une « atépé »...

Il faut préciser là que téléphoner au ministère de l’Education Nationale m’a toujours pris entre un et trois jours entiers. Je tombais régulièrement sur une musique d’attente, je n’avais jamais aucun bonjour ni merci et j’avais toujours une personne différente qui me faisait patienter de longues minutes avant de me répondre.

J’obtins quand même la traduction de « atépé » : Affectation à Titre Provisoire, et apprenais que rien ne pressait puisque je n’aurais pas de réponse avant début juillet. Nonobstant, je rédigeai la demande aussitôt et vers le 10 juillet m’enquerrai de son devenir en demandant à parler à Mme Poussineau. Une voix d’homme me répondit :

— Il n’y a pas de Mme Poussineau dans le service, vous avez dû confondre avec Mme Buzetot !

Je n’insistai pas et cette Mme Buzetot, après un quart d’heure de recherche, m’apprit qu’elle devait d’abord demander l’avis du Rectorat de Grenoble et que je n’avais pas à m’inquiéter, que le dossier suivait son cours. Méfiant, j’appelai Grenoble. Plus sympathique et moins long, mais toujours vain : « Atépé, qu’est-ce que cela veut dire ? Non, je ne suis pas au courant, il faudrait rappeler fin août parce que la personne qui s’occupe des mutations est en vacances ». Là, je commençai à m’inquiéter sérieusement : si le personnel chargé de gérer les mutations prenait ses vacances au moment même des mutations, c’est que Allègre était en dessous de la vérité. Ce n’était pas un mammouth, c’était un dinosaure dont la tête ne savait plus ce que faisait le reste du corps.

Le 25 juillet je revins à la charge. Une voix féminine m’apprit qu’il fallait également l’avis de Versailles. J’appelai Versailles, j’y étais totalement inconnu. Je rappelai le ministère le 30 et j’obtins cette réponse surréaliste.

— Comment cela, Versailles n’a rien reçu ! Attendez je vais chercher le fax (Vivaldi pendant deux mouvements)... Allo, j’ai le fax sous les yeux, alors effectivement Versailles nous avait répondu « oui, sous réserves car il manque des profs d’anglais dans l’académie ». Alors vous voyez Monsieur, moi, avec un « oui », je sais comment faire, avec un « non » je sais comment faire, mais avec un « oui sous réserves » je ne sais pas, donc j’attendais. De toute façon, comme tout le monde est en vacances, il n’y aurait eu personne pour signer l’arrêté.

Il fallait prendre le taureau par les cornes, le mammouth par les défenses, le dinosaure par la queue, je résolus de me rendre sur place, pour voir à quoi ressemblaient ces guignols. Je ne vis rien. Le ministère a des portes blindées qu’on ne franchit qu’avec une carte magnétique. Lorsque la dame de l’accueil, à l’extérieur, eût daigné remarquer ma présence, elle me montra une cabine téléphonique dans l’entrée : « Vous voulez parler à la DPE-B4 ? Décrochez ».

Effectivement je n’eus pas à patienter. Le fil était moins long que depuis chez moi et j’obtins quelqu’un tout de suite. J’étais assez remonté et fis état de mes projets de démission : puisque le ministère n’était pas foutu de me trouver un poste sur Grenoble, j’allais en trouver un moi-même, sur place, en repartant de zéro, comme remplaçant, fut-ce dans le privé !

— Ah mais non ! Quand même ! me dit la dame manifestement émue, faut pas démissionner, vous seriez radié, faut pas faire cela ! Allez, c’est promis je vais m’occuper de votre demande.

Mis en confiance, tout content de tomber sur quelqu’un d’aimable, je lui demandai son nom. Elle répondit « Mme Poussineau » ! Ressuscitée ? Non, rentrée de vacances !

Je vais trop vite dans mon histoire, laissons Mme Poussineau s’occuper de ma mutation. De toute façon, par précaution, pour être sûr de suivre Françoise en Ardèche et de vivre à Montpoulet, j’ai fait une demande de congé sans solde au prétexte de suivre mon conjoint. C’est vrai qu’il est temps de quitter la région parisienne. Nous avons constaté, à notre retour de République tchèque, une tentative de cambriolage à notre maison, et je vais me retrouver otage dans le braquage de la banque voisine du collège où j’enseigne. Mais Chicago sur Oise, je vous raconterai cela la prochaine fois.

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11- Rapatriée d’urgence

Publié le par BMx

            Le policier a le visage dur et fermé de celui qui sait qu’il fait le mal. Instinctivement je déballe mon portefeuille qui, je le sais bien, ne contient pas grand chose. Notre argent est en chèques de voyage chez Iana. Nous n’avons sur nous que l’argent tchèque que nous avons changé, peut-être l’équivalent de deux cents francs. Et j’essaie de faire valoir que nous n’étions mêmes pas engagés sur l’autoroute. J’essaye d’attendrir en parlant de la conférence sur mon tour du monde à vélo au théâtre municipal, dans moins d’une heure. Surtout pas parler de corruption et d’abus de pouvoir. Lui laisser la possibilité de se reprendre sans perdre la face. Il semble me comprendre et se contente de tout notre argent tchèque, plus de mille couronnes. D’un geste magnanime il nous laisse un billet, en cas de pépin sans doute…

            Nous n’étions pas en retard à la conférence. Il fallait la faire en anglais et par chance, le Tchèque qui traduisait avait de l’humour, le public était hilare. Le lendemain, je revins au théâtre pour toucher mon cachet. Dans une enveloppe épaisse, un seul billet mais un gros chiffre : mille couronnes tchèques, une très belle somme ici. Mais seulement l’équivalent de l’amende payée hier…

 

            Deux jours plus tard nous participons à une sortie du club local par monts et par… bistrots. Les « arrêts  ravitaillement » donnent lieu à l’ingurgitation de litres de bière par nos compagnons que nous nous gardons bien d’imiter. Par contre, à la pause de quatre heures, où nous mangeons, nous cédons à l’invitation pressante de boire un demi-litre de bière, chacun. Une giboulée nous cueille au départ, Françoise est devant moi, une rafale lui projette quelque chose dans l’œil, elle zigzague et me donne l’impression de s’écraser dans le goudron, à 40 km/h dans une descente.

            Elle se relève aussitôt en disant que « c’est le bras qui ne fonctionne plus ». Dalibor et Iana l’obligent à se rasseoir sur le bas-côté et c’est le début d’un tourbillon que j’ai bien de la peine à suivre. Dalibor arrête un véhicule pour faire conduire Françoise à l’abri d’un restaurant où je la rejoins en conduisant nos deux vélos. Puis il faut suivre le docteur et son infirmière qui reviennent à toute vitesse à Brno prendre leur voiture. Et puis c’est l’hôpital, étrangement vide, car réservé aux membres de la nomenklatura, où un chirurgien vieillissant nous explique dans un mélange de français et d’anglais que ce sera une opération très facile, qu’il s’agit de remettre bout à bout les deux morceaux de clavicule qui se chevauchent, et que l’hospitalisation ne prendra qu’une semaine.

            Nous apprendrons plus tard qu’en France on considère l’opération bien trop dangereuse et qu’on se borne à poser un corset pour réduire le chevauchement sans l’annuler. Mais c’est surtout la perspective de passer une semaine dans cet hôpital qui déplaît à Françoise. Et à moi ! Nous prenons donc la décision de rentrer au plus vite sur Paris.

            C’est un calvaire pour ma chère et tendre : on lui a mis une sorte de grande chaussette élastique autour du torse et elle endure le martyre. Nous effectuons en un seul jour le trajet que nous avions fait en deux à l’aller, par les autoroutes allemandes en évitant l’Autriche où il faut acheter un forfait autoroutier. Du même montant que notre amende autoroutière tchèque !

            Au courrier, Françoise a la réponse à sa première demande de mutation. L’inspection académique de l’Ardèche lui signale que sa mutation est acceptée mais qu’il lui faut répondre par retour de courrier. C’est étrange car nous sommes en plein milieu des vacances de Pâques. Sans l’accident, respecter le délai eût été impossible. La lettre étant datée du premier avril, Françoise appelle donc Privas pour demander si c’est un poisson. Comme si l’on pouvait plaisanter avec ce genre de sujet.

Et bien si ! Car ce n’était que le premier épisode cocasse de notre confrontation à la stupidité kafkaïenne de l’administration de l’Éducation Nationale. Mais c’est une autre histoire que je vous raconterai la prochaine fois.

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10- Rackettés par des policiers tchèques

Publié le par BMx

                                   

       Très content de son passage à Saint-Victor, et très heureux de la satisfaction affichée par ses clients d’avoir été chaleureusement reçus, Dalibor concrétise l’année suivante, en 1997, la promesse de nous faire venir en République Tchèque. Cela va être un séjour mémorable et notamment pour l’accident de Françoise qui sera la cause de notre déménagement pour Saint Victor.

            Dalibor a vu grand. D’abord une tournée de conférences sur nos voyages à vélo à Brno, là où il demeure, et, la deuxième semaine de nos vacances de Pâques, une tournée à Prague. Notre voiture est donc bien chargée avec tout le matériel de projection et nos deux vélos-couchés sur la galerie. C’est que Dalibor veut absolument, de surcroît, nous faire pédaler pour attirer des clients à sa boutique de cycles.

            Le voyage est long, nous dormons une nuit en Allemagne, parcourons un bout d’Autriche et débarquons au centre de Brno où nous téléphonons à Iana, la blonde interprète. Elle nous emmène chez elle, un ensemble d’immeubles gris très représentatifs de l’idée que nous nous faisons de l’Europe de l’est. Comme il n’est pas question de laisser du matériel dans la voiture, il nous faut tout transporter dans l’appartement, les vélos comme les projecteurs. L’appartement est confortable mais très vite empli par nos affaires. Les deux filles de Iana nous laissent leur chambre. Dalibor nous rejoint, il n’habite plus avec son épouse bien que sa boutique de cycles soit toujours dans la maison familiale, une villa cossue où nous irons rencontrer les membres du club cycliste.

            La première conférence est prévue au théâtre principal de la ville dès le lendemain soir. C’est Dalibor qui se chargera du matériel pendant la journée tandis que Françoise et moi irons visiter, c’est absolument obligatoire, à vélo, un haut lieu de l’histoire commune entre la France et la république Tchèque. Et qui est ? Je vous le donne en mille, une victoire napoléonienne très célèbre, qui a donné son nom à une gare parisienne, vous y êtes ? Mais oui, Austerlitz !

             Iana et Dalibor ont tout prévu. Tout d’abord un parcours en train, pour que l’aller-retour soit possible dans la journée. A côté de nous dans le compartiment un homme emporte un joli morceau de buis qu’il va sculpter. Cela me fait penser aux buis de Montpoulet. Il y en a deux très gros, il paraît qu’ils ont plus de trois cents ans.

            Ce que nos hôtes n’avaient pas prévu, c’est le fort vent de face qui nous fait arriver assez tard à Austerlitz. Une fois la visite terminée, il faut revenir le plus vite possible mais sans le train. A l’approche de Brno, la route devient interdite aux cycles et nous devons suivre un itinéraire accidenté qui nous retarde encore. Aussi, lorsque nous repassons par dessus l’autoroute directe pour le centre-ville, je décide de tenter le coup.

Cela revient à tenter le diable. Une voiture de police est stationnée à l’endroit même où la bretelle d’accès rejoint la chaussée. Cela me rassure pourtant : ou bien les policiers nous font une fleur, eut égard à notre nationalité et à nos vélos bizarres, ou bien ils refusent et nous faisons demi-tour sans avoir vraiment enfreint la loi ni perdu de temps.

            Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que je me retrouverais à vélo sur une autoroute. La première fois c’était il y a longtemps. Je passais par Genève avec mon frère, j’avais 16 ans et lui 14. Nous aperçûmes un panneau pour Lausanne où nous allions. Surmonté d’un autre panneau représentant une voiture sur fond bleu (voie rapide). Sans blague, nous n’en avions jamais vu !. Le policier qui nous a arrêtés deux km plus loin n’a pas voulu nous croire, mais, bon prince, n’a retenu que nos noms au cas où nous recommencerions. Presque vingt ans plus tard, déjà en retard pour une conférence dans la banlieue sud de San Francisco, j’empruntai en pleine nuit l’autoroute qui amène au Golden Gate bridge. Elle semblait déserte. Et puis je venais de traverser presque tout le Nevada en suivant une autoroute en parfaite légalité. C’est le haut-parleur d’une voiture de police qui m’a démontré que cela ne l’était plus. Il fallait que je déguerpisse à la première sortie. Mais pas plus.

            D’où ma stupéfaction quand le policier tchèque, après nous avoir obligeamment fait asseoir dans son fourgon et après avoir contrôlé nos passeports, nous réclame en anglais, cent dollars américains d’amende pour avoir roulé à vélo sur l’autoroute. Cent dollars chacun. Ouille. Voilà ce que Dalibor et Iana n’ont pas prévu non plus. La conférence est dans moins d’une heure et nous voilà confrontés à un flic véreux qui croit avoir trouvé des pigeons occidentaux à plumer. Comment faire ? Payer sans protester et encourager la corruption ? Ou bien négocier longuement et compromettre notre rendez-vous ?

            Et bien je vous dirai mon choix dans le prochain épisode. Quoi, je vous ai déjà promis l’accident de Françoise ? Et bien, la prochaine fois, vous aurez deux dénouements pour le prix d’un !

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9- Un car de Tchèques avec provisions

Publié le par BMx

 

 




 
          
C’est le petit monde très convivial du voyage à vélo qui nous avait fait connaître Dalibor. Médecin spécialiste en radiothérapie, il s’était retrouvé à Paris sur son vélo sans assez d’argent pour se payer l’hôtel et des cyclo-campeurs de notre association l’avait hébergé jusqu’à ce que ce fut notre tour. A l’époque, si le rideau de fer était tombé et permettait à ceux de l’est de venir à l’ouest, ils n’avaient que fort peu de moyens. D’ailleurs, simplement pour vivre dans son pays, Dalibor complétait son traitement de médecin par une activité de commerçant : il tenait boutique de cycles et organisait des voyages à l’étranger. C’est dire les ravages de l’économie planifiée !

            Il avait bien sûr commencé par les pays de l’est et l’Union Soviétique où il avait des relations bien placées mais évidemment, l’attraction du pays le plus touristique du monde, la France, finit par l’emporter. Dalibor était venu deux fois chez nous en banlieue parisienne. La deuxième fois, c’était en compagnie d’une superbe blonde qu’il nous présenta comme son interprète mais avec qui il tenait à partager le même lit. L’interprète était sympathique mais il était tout de même plus pratique de parler anglais à Dalibor que de passer par le français très hésitant de la blonde.

            C’est cependant avec la même interprète, sans doute plus compétente en d’autres domaines, que Dalibor organise cet été 1996 un voyage pour 26 cyclistes tchèques, avec des excursions à vélo entrecoupées de liaisons en car. Il nous a demandé s’il pouvait faire halte à St Victor et, après avoir obtenu permission de planter les tentes dans le pré de notre voisin Maurice, nous avons accepté.

            Nous allons les attendre en fin de journée chez Maurice justement et c’est Denise, sa femme, qui aperçoit le car la première. Il arrive par la route de St Félicien, comme au ralenti. Soit le chauffeur n’a pas l’habitude des virages, soit il en a déjà eu sa dose et il en est groggy. Nous nous précipitons au village pour les guider. Pour venir à Montpoulet, il faut passer par d’étroites ruelles, compliquées d’un virage à angle droit. Cela ne fait pourtant pas peur au chauffeur qui demande simplement qu’on enlève une voiture garée là. Hélas il n’avait pas vu un balcon proéminent et il doit faire marche arrière. Cela impressionne Maurice. Il faut dire que le car traîne une volumineuse remorque qui contient les 26 vélos. La manœuvre est donc délicate et bloque la circulation. Tout Saint-Victor se demande bientôt ce que vient faire cet énorme car dans un aussi petit village.

            Nous nous rabattons sur la solution de secours et c’est Maurice qui montre le chemin de la déviation par le bas du village.

            Voilà enfin le car et sa remorque à la fin du goudron chez Maurice. Mais il fait nuit noire. Je veux absolument qu’avant de continuer plus loin le chauffeur vienne examiner le chemin. C’est un chemin de terre, très pentu par endroit et… compliqué d’une très sèche épingle à cheveu. Le chauffeur, manifestement de la trempe d’Yves Montand dans Le Salaire de la Peur, se moque de mes craintes et prétend que si nous passons en voiture, il passerait forcément avec son car.

             Et nous voilà partis. Je suis à côté du chauffeur et je me cramponne. Le car a l’air deux fois plus large que le chemin, le pare-brise est battu par les branches des arbres et les phares semblent n’éclairer que quelques mètres en avant. Nous franchissons le premier raidillon à grand peine et reprenons de l’élan sur le replat qui suit. Virage à droite et puis, attention, le fameux virage du châtaignier. Dont les phares ne donnent aucune idée. Avec la vitesse il est impossible de deviner à temps où passe le chemin. La chauffeur pile juste avant que le car ne s’enfonce dans les pelorciers. Il n’ira pas plus loin.

            Le lendemain, nous venons prendre les dimensions du désastre. Une bricole pour les Tchèques. Ils sont en train de déjeuner tout autour du car dont les coffres sont ouverts. En effet, ils ont emporté toute leur nourriture de République Tchèque. Leur pouvoir d’achat est si faible ici que s’ils veulent se payer une folie à la pâtisserie, il s’y achètent… une baguette de pain. Les coffres du car, par contre, regorgent de nourriture. Ce ne sont donc pas des Tchèques sans provision !

                        
                   Ils font grande consommation de bière dès le petit déjeuner et apprécient beaucoup la gnôle que leur offre Maurice. C’est de la cerise et, Maurice est encore impressionné, tout le litre y passe !

C’est peut-être pour cela que dans l’excursion où nous les emmenons visiter Saint Félicien et Notre Dame d’Ay, nous perdons la moitié des participants. Dalibor est pourtant très content et décide de nous inviter pour une tournée de conférences qu’il organisera dans son pays. Nous y emmènerons nos vélos et commencerons par nous y voir infliger notre première amende avant que Françoise ait un accident qui va transformer notre vie. Mais je vous raconterai cela la prochaine fois.

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8- Poursuivis pour diffamation

Publié le par BMx

 

              Ce qui va encore envenimer les choses, c’est que la lettre du cabinet d’avocat est signée « avocat ». C’était sans doute pour nous impressionner mais je réponds ironiquement que je soupçonne le courrier d’être un faux à cause de cette signature, comme si moi je m’avisais de signer mon courrier « professeur d’anglais », ou « maçon », ou « ouvrier spécialisé ». La lettre suivante est signée d’un nom propre, suivi de sa qualité d’ancien bâtonnier et elle est furieuse, l’ironie a mis dans le mille. Nous avons donc face à nous un président d’association blessé dans son honneur (puisque nous l’accusons de forfaiture) et un ancien bâtonnier blessé dans son amour propre (puisque nous venons de lui rire au nez) ; diable, il va falloir jouer serré.

            Dans un premier temps, nous recherchons les preuves de ce que nous avançons. Hélas, complètement étrangers au lieu de la compétition, nous n’arrivons même pas à retrouver les autres concurrents pour avoir leur témoignage. Et il est complètement vain de prétendre obtenir le procès-verbal de la course dressé par le commissaire : il appartient à l’association qui nous poursuit. Nous prenons donc un avocat sur place.

            Celui-ci élimine d’entrée la possibilité de prouver que nous avons raison. Il propose un règlement à l’amiable contre lettre d’excuses de notre part. Il nous apprend du coup que les lois sont bien faites d’abord pour engraisser les hommes de loi. Si c’est nous qui envoyions la lettre d’excuses, elle pourrait être utilisée comme preuve de notre culpabilité pour nous réclamer encore plus d’argent ! Mais si c’est l’avocat qui la transmet, elle bénéficie d’une totale impunité ! En attendant, il obtient du tribunal un report.

            Comme l’idée de reconnaître nos torts ne me plaît pas du tout, je mets ce délai à profit pour faire une autre bêtise. Comme le président semblait très affecté par le terme de forfaiture, je fais un autre courrier circulaire expliquant que je retirais le terme. Que je l’avais employé dans son sens littéraire de « manque de loyauté » et non pas dans son acception juridique de « crime administratif » ; que je le retirais… et le remplaçais par « tromperie ».

            Suite à cela, c’est notre avocat que j’avais mis contre nous ! Il nous expliqua, à nous pauvres justiciables néophytes, qu’à partir du moment où nous prenions un homme de loi, c’était pour nous en remettre entièrement à ses lumières et que ce que nous venions de faire compromettait gravement sa tentative de conciliation. Il allait lui falloir encore demander un report de jugement.

            C’est ce qu’il fit tandis que je m’appliquais à rédiger une lettre d’excuses qui ne fût pas trop humiliante. Nous n’avions plus le cœur à nous battre et les 1500FF d’honoraires de l’avocat nous apparurent soudain bien préférables aux 13 000 que nous risquions dans un jugement. L’affaire ne fut donc jamais jugée puisque l’association accepta nos excuses. C’était le début de l’été 1996 et nous préparions à Saint-Victor l’arrivée d’un car de 30 cyclistes tchèques avec leurs vélos. Un car de Tchèques à Montpoulet, allons donc ! Jamais il ne pourra passer dans le village ni par l’étroit chemin pentu et sinueux qui mène chez nous ! Ou est-ce de la diffamation? Et bien, c’est ce que je vous raconterai la prochaine fois.

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7- Une course de baignoires sur l’Oise

Publié le par BMx

  

             Françoise et moi nous sommes connus au cours du tour du monde à bicyclette que j’ef­fec­tuai entre 1981 et 1987. Et avant d’acheter Montpoulet, nous passions toutes nos vacances à pédaler. Mais pas à pédaler tout à fait comme tout le monde. J’avais découvert le vélo couché aux États-Unis et dès 1989, nous partions au Cap Nord en plein hiver sur ces drôles de bicyclettes qui ressemblent à des chaises longues. Le monde encore marginal des cyclistes couchés comprend également les pratiquants de toutes sortes de véhicules à pro­pulsion humaine, comme les avions à pédales (si ! il y en a un qui a traversé la Manche), les sous-marins à pédales, les vélos aquatiques et les vélos-rail. C’est donc tout naturellement que notre deuxième voyage extrême, en 1993, fut de rallier depuis Montréal le village indien de Kawawachikamach, qu’aucune piste ne relie au reste du monde, entièrement à vélo, dont 600 km sur une voie ferrée, avec notre tandem-rail. La suite logique fut de descendre la Meuse sur un vélo aquatique.

            Louis XVI, lorsqu’il tenta de fuir, fut arrêté à Varennes, tout le monde sait cela. On sait aussi qu’il fut reconnu par le palefrenier du précédent relais de poste. Ce qu’on ne sait pas c’est que ce relais de poste existe toujours, à Ste Ménehould, et que c’est un restaurant spécia­li­sé dans le pied de cochon dont on mange même les os. Son propriétaire est un colosse dont la passion est… le vélo aquatique. Il nous prête son meilleur modèle pour que nous nous entraînions lors de la traditionnelle course de baignoires de Compiègne. Je suppose que ces courses, organisées par d’anciens marins, sont parties d’un pari : faire flotter une baignoire !

Et ils y arrivent ; à en juger par la vingtaine de concurrents qui nous entourent. Les em­bar­cations sont toutes construites à partir d’une ou deux baignoires et de flotteurs. Toutes sont extrêmement décorées, extrêmement lourdes et peu maniables. Sauf la nôtre. Cette année la compétition a été ouverte à toutes les embarcations, même sans baignoire, pourvu qu’elles soient à propulsion humaine. La nôtre est une coque de voilier coiffée d’une carrosserie de Mé­hari. Notre seule décoration est une pancarte de publicité pour « Pied d’Or » le restaurant des pieds de cochons. Deux pédaliers actionnent une hélice et nous nous rendons compte à l’échauffement que nous sommes les plus rapides. Nous décidons alors de gagner la coupe de vitesse, pour l’offrir au restaurateur de Ste Ménehould.

            La course se fait en deux groupes chronométrés. Il faut tourner trois bouées dont une au milieu de l’Oise, en plein courant. Nous gagnons notre groupe avec plusieurs longueurs d’avance et sommes très surpris de voir décerner la coupe à un autre équipage. Nous nous étonnons et on nous renseigne : le deuxième groupe, pour des raisons de sécurité, n’a pas eu à tour­ner la bouée au milieu du fleuve. Le commissaire de la course confirme, naïvement. Nous en parlons au président de l’association organisatrice et son attitude, d’abord désinvolte puis méprisante à notre égard, est sans doute la cause de ce qui va suivre.

            Je lui écris une lettre circonstanciée pour lui demander au moins des excuses. Il me ré­pond en prétendant qu’il ne s’agissait pas d’une compétition mais d’un simple défilé de bateaux décorés. Et la coupe vitesse ? Et le commissaire de course ? Les avons-nous rêvés ? Outré par tant de mauvaise foi, j’écris une autre lettre dénonçant ce que j’appelle une forfaiture aux deux sponsors de la manifestation : la municipalité de Compiègne et la société Jacob Delafon.

            Quinze jours plus tard, un courrier portant en-tête d’un cabinet d’avocats nous apprend que l’association nous réclame 13000 francs (2000€) de dommages et intérêt pour délit constitué de diffamation par écrit. Allons-nous nous laisser faire ? Je vous raconterai cela la prochaine fois.

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6- La souris des champs

Publié le par BMx

 

   Pourquoi abattre cet animal protégé ? Et bien voilà le premier suspense de fin d’épisode que je ne soulagerai pas. Nous n’avons jamais élucidé l’affaire. Inconscients des lois en matière, nous avons rapporté l’écureuil à Paris, l’avons écorché et… mangé.

         Pourquoi casser le pare-brise de notre camping-car ? Notre inquiétude est grande : veut-on nous signifier que nous sommes indésirables ? La gentillesse et l’accueil bienveillant de nos voisins de Piquet cache-t-il l’animosité et le rejet d’autres habitants de Saint-Victor ? La vandalisme est-il aussi une pratique de la jeunesse ardéchoise ?

         Ce suspense-là, je vais le soulager de suite pour compenser le précédent. La réponse est évidemment non à toutes les questions. Les enfants de Saint-Victor ne sont pas des vandales et notre retour « à la source » ne suscite aucune opposition. Pas la moindre pierre dans le camping-car. Mais souvenez-vous de l’écureuil congelé. Comme le Ford est stationné face au soleil levant, la différence de température soudaine après le gel de la nuit a fait dilater puis exploser le pare-brise. Nous rafistolons avec un film plastique.

        
         

        A l’intérieur, Françoise avait laissé ses bottes. Elle pousse un cri en enfilant la première : il y a quelque chose au fond. Elle la vide par la porte : morceau de feuilles, bouts de plastique coloré, de tissu laineux et un gros paquet d’éclats de pare-brise. Une souris des champs avait élu domicile dans la botte ! Brave souris ! Attirée par ce qui brille, elle a sans doute cru que le verre donnerait des allures de luxe à son petit intérieur.


         Le temps est sec, nous descendons et garons la voiture à côté du camping-car. Elle y reste toute notre semaine de vacances. Au moment de reprendre la route, je relève le capot pour vérifier le niveau d’huile et retient une exclamation de surprise. La souris a déménagé sur le filtre à air. Patiemment, éclat par éclat, grain à grain, feuille à feuille, elle a transporté tout ce que Françoise avait vidé de sa botte et l’a monté, à grand peine je suppose, jusqu’au sommet du moteur. Voilà un labeur qui, toute proportion gardée, s’apparente aux travaux d’Hercule. Nous en concevons beaucoup d’admiration pour cette souris des champs qui nous paraît résumer les qualités des personnes du pays. Timides et réservés comme cette souris que nous n’avons jamais vue, naïfs sans doute parce qu’éloignés des magouilles de la capitale, mais innocents de toute mauvaise intention, et, par dessus tout, travailleurs infatigables. Leurs aïeux ont modelé les pentes infertiles en « chalets » (terrasses) soutenus par des murets de pierre sèche. Certains avec des blocs cyclopéens. Cultiver ces terrasses était un défi permanent. Il fallait régulièrement remonter la terre, dans une hotte, à dos d’homme. Les murets, bâtis sans mortier, s’écroulaient périodiquement et il fallait réparer, patiemment, sans broncher, pierre à pierre, comme la souris. Les gens souvent, après leur journée d’usine, continuent, qui à cultiver un bout de terrain, qui à élever un petit troupeau, qui à produire du bois de chauffage, économisant sous à sous, comme la souris.

         J’ai écrit au début que nous avions emporté l’écureuil à Paris. Cela relevait du transport et recel du délit de braconnage  mais nous avions à l’époque, en 1995, d’autres soucis avec la loi puisque nous étions poursuivis pour diffamation, à la suite d’une course de baignoires.

         Oui, une course de baignoires ! Sur l’Oise, à Compiègne. Une histoire un peu compliquée, il va sans dire. Et que je vous raconterai dans l'article suivant.

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5- Montpoulet vandalisé ?

Publié le par BMx

 

            Ce serpent jaune taché de noir, vous l’aviez deviné, c’était une salamandre. Une salamandre de grande taille que nous avons rapportée à Paris et installée dans un aquarium dont l’ouverture était fermée par une brique. Et si la salamandre ne traverse pas le feu sans périr comme le dit la légende, nous pouvons témoigner que, sous son aspect paresseux, elle cache une force herculéenne. En effet, dressée sur sa queue, elle est parvenue à repousser la brique et à s’enfuir, sans doute dans la canalisation d’eau de pluie.

            
        Nous sommes maintenant en juillet 1995. Et las de dormir sous la tente, nous avons décidé d’installer à Montpoulet le camping-car qui prenait sa retraite à Navas chez ma grand-mère. Vous l’aviez sans doute aperçu. Depuis le cimetière de Saint Victor il se voyait, avec son blanc presque immaculé, comme le nez au milieu de la figure. Du cimetière de Saint-Victor on a une vue panoramique impressionnante. C’est ce qui a décidé mon oncle à s’y faire enterrer, à côté du grand-père qui lui aussi appréciait la vue. Nous y dormions à nos passages à vélo, pas dans le cimetière, dans le camping-car, et mémé adorait s’y faire chauffer au soleil derrière le pare-brise, tout en gardant sa chèvre. Et nous ne pensions pas qu’il nous vaudrait bientôt de gros doutes quant à notre intégration dans le village.

Nous avions au printemps fait aménager une plate-forme au sommet de Montpoulet et, paraît-il, laissé ainsi supposer que nous voulions arriver en hélicoptère. Cela n’aurait pas manqué d’à-propos puisque, comme je vous l’ai déjà conté, tous les chemins d’accès avaient disparu. Nous avions passé nos vacances de février à abattre la dizaine de pins qui avaient envahi le tronçon qui séparait Montpoulet du chemin d’exploitation de Piquet. Et à Pâques, les engins avaient rétabli le passage et aplani le chemin.

Le devis de l’entrepreneur comprenait une ligne très intrigante : « apport de gore ». Pour moi le gore, c’était ce vocable anglais qui désigne les films d’horreur où l’on voit beaucoup de sang et de tripes. C’est donc aussi en Ardèche le synonyme de « granite décomposé ». Le nord-occitan, qu’on appelle ici très humblement « patois », est plus riche que le français pour parler du pays. Outre le gore donc, il faut signaler le babet que le français ne sait désigner que par « pomme de pin » et la trifole ou « pomme de terre ; ou encore la burle, dont l’équivalent ne se retrouve guère que dans l’anglais « blizzard » ; la javasse ou pin sylvestre étêté pour qu’on puisse en couper les petites branches garnies d’aiguilles, qui constituent la garne dont on faisait la litière du bétail. Mais je m’égare, revenons au camping-car.

Il fut impossible de le faire redémarrer. Alors, c’est Maurice qui l’a sorti du pré de ma grand-mère et monté sur le tout nouveau col de Montpoulet, à 650 m d’altitude. Nous goutâmes alors d’un nouveau confort. Pendant les vacances d’hiver toutefois, il fallut prévoir du chauffage. Comme nous brûlions alors des broussailles, je cédai à la tentation d’apporter un seau de braises à l’intérieur. Ce fut à nouveau très confortable. Nous pouvions respirer l’air chaud sans être incommodés par la fumée. C’était pourtant doublement jouer avec le feu. Aux premiers maux de tête la conscience me revint et je jetai le seau dehors : nous étions sans doute en train de nous intoxiquer au monoxyde de carbone…

 

           Un incident mystérieux commença à nous inquiéter. Un matin, un coup de fusil explose à quelques dizaines de mètres. Nous nous précipitons et découvrons un écureuil roux, agonisant sur une pierre, percé de petits plombs. Il est encore tout chaud et comme endormi mais bien vite le gel l’aura rigidifié. Nous sommes atterrés : c’est un animal dont nous ne soupçonnions même pas l’existence par ici et, comme nous le vérifierons bientôt, il est rare et protégé par la loi. Alors pourquoi l’abattre ? Pire, en revenant aux vacances suivantes, nous avons un haut le cœur : le pare-brise du camping-car est éclaté ! Nous pensons tout de suite à une tentative d’intimidation, ne voudrait-on pas de nous à Saint-Victor ? Les vandales massacreurs d’écureuils veulent-ils nous faire partir ? Je vous dirai tout cela dans le prochain article.
 

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4- Un serpent jaune et noir.

Publié le par BMx

« Bernard, viens vite ! J’ai trouvé un gros serpent jaune et noir !!! »

            Françoise semble m’appeler au secours. Elle était en train de creuser sous les noisetiers, au dessus du captage de la source. Pendant que je me précipite à son secours, je cherche de quel serpent il peut bien s’agir. A première vue, des serpents jaunes et noirs, il n’y en a qu’en Australie. Et l’Australie, même par temps très très très clair, on n’arrive pas à l’apercevoir, de Montpoulet.

            Des serpents, c’est sûr qu’il y en a. J’en ai déjà attrapé deux. J’adore attraper les serpents. Il paraît que je tiens cela de mon grand-père paternel, originaire de Satillieu. Il les prenait par le bout de la queue, tête en bas, et quand le serpent commençait à remonter la tête pour mordre, il le faisait tournoyer pour finalement lui briser l’échine d’un coup bref sur le sol. Moi, je les relâche vivants. Enfin, pas toujours. Le premier serpent attrapé à Montpoulet, c’était une petite vipère, nous l’avons ramenée à Paris et voulions la conserver dans l’alcool. Nous l’avons donc immergée vivante dans un bocal de gnôle en croyant que cela allait l’endormir tout de suite. Pas du tout, elle semblait beaucoup aimer cela. Une heure plus tard, elle nageait encore. Et puis, cela l’a prise d’un coup, comme une syncope après un delirium tremens.

            Le deuxième, c’était une couleuvre à collier. A chacun de nos débuts de vacances à Montpoulet, il nous faut nettoyer le griffon de la source. Et la dernière fois, j’avais aperçu, au fond du trou d’où sourd l’eau, un bouquet de racines. Sans doute celles des noisetiers… J’ai donc lancé la main pour les arracher. Dans la poignée de radicelles, il y en avait une qui bougeait, c’était la petite couleuvre.

            Trente ans d’abandon quasi total à la nature d’un lieu qui, comme Montpoulet, n’avait même pas connu le moteur à explosion, il est certain que cela préserve de toute pollution. Nous avons ainsi découvert à Montpoulet des animaux devenus rares ailleurs. Ainsi l’été, au sommet du serre, au crépuscule, le vol des chauve-souris effarouchait Françoise. Elle croyait encore à la légende de ces souris volantes qui se prennent dans vos cheveux. Elle n’y croit plus maintenant. Mais le premier été, il n’y avait pas que les chauve-souris qui faisaient peur, il y avait aussi un énorme coléoptère dont le vol est beaucoup moins assuré que celui des chauve-souris et qui nous percutait régulièrement : le lucane cerf-volant, cet énorme insecte dont les mandibules ressemblent à des cornes de cerf. Je croyais l’espèce disparue. Il y en a une colonie à Montpoulet.

            Rares ou extrêmement colorés comme cet oiseau qu’un film publicitaire utilisait pour découper une porte latérale dans un fourgon. Avant de connaître l’Ardèche, je croyais qu’il s’agissait d’un animal exotique, peut-être un perroquet, le seul oiseau que je connaissais capable d’un vert aussi vrai, d’un rouge aussi vif, d’un jaune aussi éclatant  Et bien non, c’est le pic vert. Coloré comme le lézard du même nom, le lézard vert, avec des reflets bleutés sous le cou et dont j’ai découvert les petits œufs blancs dans le sable. Celui-ci, il faut l’attraper avec de bons gants car quand il mord, il ne lâche jamais prise.

            Et j’espère que j’arriverai avant que le serpent jaune taché de noir ne morde Françoise. Elle semble le tenir au bout d’un bâton sous un rocher. Je me penche… c’est bien peu nerveux pour un serpent… Oui, il n’y a aucun risque qu’il morde quoiqu’en dise la « sagesse » populaire. Mais c’est beaucoup mieux qu’un pic vert ou qu’un lucane. C’est un animal mythique auquel on attribue la faculté de traverser le feu sans se brûler, un animal dont François 1er avait orné ses oriflammes, un animal qui sécrète de l’acide chlorhydrique par les pores de sa peau, un animal qui sécrète de l’acide chlorhydrique par les pores de sa peau mais dont la présence révèle une eau très pure, un animal qui n’a rien d’un reptile malgré sa queue et dont le cousin serait plutôt le crapaud… Vous avez trouvé ? Patience, je vous le dirai la prochaine fois.

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