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la chronique de montpoulet

3- Un drame à Montpoulet

Publié le par BMx

          

Il y a entre le Japon et le Haut-Vivarais au moins deux points communs. D’abord les cerisiers, dont les fleurs blanches, au moment où j’écris ces lignes, se confondent avec la neige tardive d’avril, et semblent la remplacer comme pour un dernier adieu avant l’été. Ensuite l’extrême courtoisie dont je ne citerai ici qu’un exemple troublant, c’est le petit coup de clignotant à droite pour indiquer au conducteur suivant qu’il peut dépasser. Partout ailleurs en France, les conducteurs ne supportent pas qu’on les double, en Ardèche du nord, ils savent partager la route, courtois comme des Japonais.

           

‑ Bonjour Monsieur, nous sommes vos nouveaux voisins de Montpoulet.

‑ Chic, on va avoir des voisins ! Mais Montpoulet, c’est où ça ? Entrez boire un verre, vous m’expliquerez.

           

           

La maison ressemblait au temple d’Angkor, (toujours dans la même direction, par temps très très clair) avec des pierres envahies de racines. Un énorme tilleul avait par exemple décidé de s’alimenter au lavoir qui s’était ainsi peu à peu comblé. Après avoir repoussé deux marches de l’escalier, au nord, un sureau étendait son ombrage sur toute l’aire de battage. Un merisier barrait l’entrée de la cuisine. Un noyer occupait l’étable et une série de frênes encerclait la ferme comme pour l’assiéger. Les plus efficaces, à ce jeu-là, étaient les sureaux. Leur feuillage bas interdisait même de reconnaître la « tsorera » du reste. Chaque éboulis avait produit son sureau. Il en était même un qui couvrait le « bachat » où la source ne coulait plus. Ce fut notre deuxième chantier ; refaire couler la source, ré-entendre son murmure, c’était déjà redonner une âme aux lieux.

Nous creusâmes à l’endroit où l’eau semblait sortir de terre. Un mur s’y était éboulé mais la source s’obstinait à voir le jour. Finalement, Françoise retrouva la crépine primitive d’embout du tuyau de plomb qui allait au bachat ; elle enleva encore une casserole de boue, et un bruit de succion nous indiqua que la respiration reprenait. Nous avions ressuscité Montpoulet et quand l’eau arriva au bassin, c’est nos coeurs qui battaient plus fort.

           

 

            Nous nous sommes absentés un ouiquende. Au retour, nous avons trouvé nos voisins très inquiets. Le petit-fils d’une voisine était parti dans les bois sur un coup de tête et on craignait le pire. Peut-être le trouverions-nous dans notre tente à Montpoulet, nous dit Denise Bancel, puisqu’il était parti dans cette direction. Notre bivouac était intact. Nous avons repris nos travaux. Mais, au-dessus de nos têtes, les buses tournoyaient en poussant des cris perçants. Françoise, très intuitive, se sentait mal. La nouvelle tomba le lendemain, le jeune homme avait été retrouvé pendu tout près. Les journaux et la radio locale parlèrent pour la première fois de Montpoulet à l’occasion de ce décès et mit toute ma famille en émoi : tous pensèrent un instant que c’était moi le disparu. Et nous n’avions pas de téléphone pour les rassurer. Mais malgré ces funestes auspices, nous poursuivions notre découverte goulue de la propriété. Nous allions découvrir de vrais monstres. Mais je vous raconterai cela dans le prochain article.

 

 

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2- Palais du Grand Lama et Montpoulet, une confusion.

Publié le par BMx

           
  
              La dernière fois, je vous disais que Françoise et moi étions venus nous installer à St Victor parce que le village nous faisait penser au palais du Grand Lama ; c'est la vérité mais elle est incomplète. C'est parce que ma grand-mère habitait Navas, tout près, qu'une froide journée de l'hiver 91-92 nous étions venus nous promener sur le serre de Montpoulier. Je me souvenais que quelque part se trouvait la maison de mes arrière grands-parents. Dépendants des seuls chemins encore existants, nous nous étions retrouvés à la ruine de Ternaud et l'avions naturellement prise pour celle de Montpoulet, berceau de la branche maternelle de ma famille.  

Nous avions tout de suite beaucoup apprécié le site. Alors que le gel blanchissait encore les prés de Piquet au nord, ce côté semblait bénéficier d'un climat méditerranéen, et, surtout, jouissait d'un superbe panorama sur quatre vallées successives, celles de la Daronne, du Doux, du Duzon et du Rhône. On apercevait très bien le Vercors et les Alpes et peut-être même, en plissant bien les yeux, les hauteurs du Kyichu où s'élève... le palais du Grand Lama. Malgré la végétation envahissante, les belles pierres de la ruine s'étalaient au soleil et il me démangeait de renouer avec mon ancien métier de maçon limousinant pour les relever dans les règles de l'art. Nous avons donc résolu de chercher à savoir si ce lieu paradisiaque était à vendre. Nous en avons parlé à ma mère qui nous a mis en contact avec mon grand oncle, le propriétaire de Montpoulet.

Les négociations prirent un certain temps pendant lequel, pendant nos vacances, nous allions souvent nous promener là-haut. Mais les descriptions que nous faisions de la ruine ne correspondaient pas aux souvenirs de ma mère qui connaissait très bien les lieux : elle y était née. Un film vidéo vint confirmer que nous nous trompions et maman nous accompagna pour nous montrer Montpoulet, plus à l'ouest que Ternaud.  La propriété était plantée de pins douglas déjà hauts. Deux fois nous avons cherché la maison, deux fois nous avons erré au milieu des troncs serrés, deux fois nous sommes revenus bredouilles. Chaque fois nous allions voir ma grand-mère pour qu'elle nous raconte comment c'était, autrefois.
            La propriété était dans la famille à cause de la guerre de 14-18. En effet, la famille Larnaud qui possédait Montpoulet en 1918 avait perdu tous ses trois fils dans les tranchées. Personne n'avait décidé qu'il fallait sauver le dernier soldat Larnaud. Les parents âgés durent vendre. Mon arrière grand-père Besséas, de Pailharès, vint donc visiter. Il trouva les lieux trop en pente, un comble puisque Pailharès est déjà réputé pour son relief. Les Larnaud en voulaient dix mille francs. Il en proposa six mille pour refuser de façon courtoise... « et l'affaire lui resta dans les mains », disait mémé.

 Par une très froide journée de l'hiver 92-93, nous avons enfin trouvé la maison en venant par Piquet que le givre avait blanchi. La source de Montpoulet n'était pas gelée, une tourterelle vint boire au bassin, les feuilles mortes faisaient un doux tapis, nous avions trouvé notre eden. La vente fut conclue l'année suivante et dès juillet 1994, nous venions débroussailler. Ce premier été fut cependant marqué par un drame, mais je vous raconterai cela dans l'article suivant.

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1-Saint-Victor

Publié le par BMx

GILLES5.jpg                

Saint Victor, quand il apparaît au détour de la route, que l'on vienne de Saint Jeure ou de Saint Félicien, c'est aussi surprenant et aussi majestueux que le Potala, le palais du Grand Lama au Tibet. Campés sur leurs flancs de montagne, ils évoquent tous deux rudesse et sérénité, fortifications et villégiature, pierre, vent et soleil.

La rudesse de Saint Victor est toute sympathique, c'est celle qu'on retrouve dans le roulement des « r », dans les franches poignées de main  et les invitations péremptoires à boire le canon.

La sérénité de Saint Victor, on l'apprécie tout particulièrement au retour d'une journée de travail dans la vallée et on la retrouve dans les yeux et les visages burinés des anciens.

Les fortifications subsistent dans le clocher que certains disent « pas fini », puisque les créneaux tiennent lieu de toit, mais qui fait songer qu'en certaines périodes, on ne respectait pas plus les églises que les hommes.

La Villégiature à St Victor, je n'ai pas à faire de dessin, parce que, comme au Potala, il n'y a pas que les moines et les anachorètes qui viennent y passer l'été.

La pierre de Saint Victor, ce n'est pas le calcaire de la basse Ardèche qui se taille facilement ; la pierre de Saint Victor, il faut la bâtir brute ou bien y user sa boucharde. La pierre de Saint Victor, c'est celle dont on ne pouvait faire que de solides voûtes plein cintre, de majestueux escaliers, d'imposantes murailles, des murets interminables : je suis sûr que si l'on s'amusait à mesurer tous les murs de soutènement des terrasses de la commune, l'on ferait pâlir la muraille de Chine.

Le vent de Saint Victor est redoutable. Les cyclistes dont je suis connaissent bien l'inconfort des cols puisqu'il y souffle tous les vents et cherchent rarement à s'y attarder. Saint Victor s'est pourtant bien attardé sur son col et il n'y est pas besoin de balayeur : si ce n'est pas le capricieux vent du midi qui enlève les feuilles mortes, c'est la froide bise ou la burle.

Le soleil de Saint Victor ne connaît aucun nuage. Il nous semble briller même pendant la nuit tellement le ciel est clair : c'est bien sûr la lune que nous n'avions jamais connue aussi éclatante. On comprend mieux j'espère maintenant que Françoise et moi soyons venus nous installer à Saint Victor. Tout est pourtant parti d'une confusion. Mais je vous raconterai cela dans le prochain article. 

 

 

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