8- Poursuivis pour diffamation
Ce qui va encore envenimer les choses, c’est que la lettre du cabinet d’avocat est signée « avocat ». C’était sans doute pour nous impressionner mais je réponds ironiquement que je soupçonne le courrier d’être un faux à cause de cette signature, comme si moi je m’avisais de signer mon courrier « professeur d’anglais », ou « maçon », ou « ouvrier spécialisé ». La lettre suivante est signée d’un nom propre, suivi de sa qualité d’ancien bâtonnier et elle est furieuse, l’ironie a mis dans le mille. Nous avons donc face à nous un président d’association blessé dans son honneur (puisque nous l’accusons de forfaiture) et un ancien bâtonnier blessé dans son amour propre (puisque nous venons de lui rire au nez) ; diable, il va falloir jouer serré.
Dans un premier temps, nous recherchons les preuves de ce que nous avançons. Hélas, complètement étrangers au lieu de la compétition, nous n’arrivons même pas à retrouver les autres concurrents pour avoir leur témoignage. Et il est complètement vain de prétendre obtenir le procès-verbal de la course dressé par le commissaire : il appartient à l’association qui nous poursuit. Nous prenons donc un avocat sur place.
Celui-ci élimine d’entrée la possibilité de prouver que nous avons raison. Il propose un règlement à l’amiable contre lettre d’excuses de notre part. Il nous apprend du coup que les lois sont bien faites d’abord pour engraisser les hommes de loi. Si c’est nous qui envoyions la lettre d’excuses, elle pourrait être utilisée comme preuve de notre culpabilité pour nous réclamer encore plus d’argent ! Mais si c’est l’avocat qui la transmet, elle bénéficie d’une totale impunité ! En attendant, il obtient du tribunal un report.
Comme l’idée de reconnaître nos torts ne me plaît pas du tout, je mets ce délai à profit pour faire une autre bêtise. Comme le président semblait très affecté par le terme de forfaiture, je fais un autre courrier circulaire expliquant que je retirais le terme. Que je l’avais employé dans son sens littéraire de « manque de loyauté » et non pas dans son acception juridique de « crime administratif » ; que je le retirais… et le remplaçais par « tromperie ».
Suite à cela, c’est notre avocat que j’avais mis contre nous ! Il nous expliqua, à nous pauvres justiciables néophytes, qu’à partir du moment où nous prenions un homme de loi, c’était pour nous en remettre entièrement à ses lumières et que ce que nous venions de faire compromettait gravement sa tentative de conciliation. Il allait lui falloir encore demander un report de jugement.
C’est ce qu’il fit tandis que je m’appliquais à rédiger une lettre d’excuses qui ne fût pas trop humiliante. Nous n’avions plus le cœur à nous battre et les 1500FF d’honoraires de l’avocat nous apparurent soudain bien préférables aux 13 000 que nous risquions dans un jugement. L’affaire ne fut donc jamais jugée puisque l’association accepta nos excuses. C’était le début de l’été 1996 et nous préparions à Saint-Victor l’arrivée d’un car de 30 cyclistes tchèques avec leurs vélos. Un car de Tchèques à Montpoulet, allons donc ! Jamais il ne pourra passer dans le village ni par l’étroit chemin pentu et sinueux qui mène chez nous ! Ou est-ce de la diffamation? Et bien, c’est ce que je vous raconterai la prochaine fois.