5- Montpoulet vandalisé ?

Publié le par BMx

 

            Ce serpent jaune taché de noir, vous l’aviez deviné, c’était une salamandre. Une salamandre de grande taille que nous avons rapportée à Paris et installée dans un aquarium dont l’ouverture était fermée par une brique. Et si la salamandre ne traverse pas le feu sans périr comme le dit la légende, nous pouvons témoigner que, sous son aspect paresseux, elle cache une force herculéenne. En effet, dressée sur sa queue, elle est parvenue à repousser la brique et à s’enfuir, sans doute dans la canalisation d’eau de pluie.

            
        Nous sommes maintenant en juillet 1995. Et las de dormir sous la tente, nous avons décidé d’installer à Montpoulet le camping-car qui prenait sa retraite à Navas chez ma grand-mère. Vous l’aviez sans doute aperçu. Depuis le cimetière de Saint Victor il se voyait, avec son blanc presque immaculé, comme le nez au milieu de la figure. Du cimetière de Saint-Victor on a une vue panoramique impressionnante. C’est ce qui a décidé mon oncle à s’y faire enterrer, à côté du grand-père qui lui aussi appréciait la vue. Nous y dormions à nos passages à vélo, pas dans le cimetière, dans le camping-car, et mémé adorait s’y faire chauffer au soleil derrière le pare-brise, tout en gardant sa chèvre. Et nous ne pensions pas qu’il nous vaudrait bientôt de gros doutes quant à notre intégration dans le village.

Nous avions au printemps fait aménager une plate-forme au sommet de Montpoulet et, paraît-il, laissé ainsi supposer que nous voulions arriver en hélicoptère. Cela n’aurait pas manqué d’à-propos puisque, comme je vous l’ai déjà conté, tous les chemins d’accès avaient disparu. Nous avions passé nos vacances de février à abattre la dizaine de pins qui avaient envahi le tronçon qui séparait Montpoulet du chemin d’exploitation de Piquet. Et à Pâques, les engins avaient rétabli le passage et aplani le chemin.

Le devis de l’entrepreneur comprenait une ligne très intrigante : « apport de gore ». Pour moi le gore, c’était ce vocable anglais qui désigne les films d’horreur où l’on voit beaucoup de sang et de tripes. C’est donc aussi en Ardèche le synonyme de « granite décomposé ». Le nord-occitan, qu’on appelle ici très humblement « patois », est plus riche que le français pour parler du pays. Outre le gore donc, il faut signaler le babet que le français ne sait désigner que par « pomme de pin » et la trifole ou « pomme de terre ; ou encore la burle, dont l’équivalent ne se retrouve guère que dans l’anglais « blizzard » ; la javasse ou pin sylvestre étêté pour qu’on puisse en couper les petites branches garnies d’aiguilles, qui constituent la garne dont on faisait la litière du bétail. Mais je m’égare, revenons au camping-car.

Il fut impossible de le faire redémarrer. Alors, c’est Maurice qui l’a sorti du pré de ma grand-mère et monté sur le tout nouveau col de Montpoulet, à 650 m d’altitude. Nous goutâmes alors d’un nouveau confort. Pendant les vacances d’hiver toutefois, il fallut prévoir du chauffage. Comme nous brûlions alors des broussailles, je cédai à la tentation d’apporter un seau de braises à l’intérieur. Ce fut à nouveau très confortable. Nous pouvions respirer l’air chaud sans être incommodés par la fumée. C’était pourtant doublement jouer avec le feu. Aux premiers maux de tête la conscience me revint et je jetai le seau dehors : nous étions sans doute en train de nous intoxiquer au monoxyde de carbone…

 

           Un incident mystérieux commença à nous inquiéter. Un matin, un coup de fusil explose à quelques dizaines de mètres. Nous nous précipitons et découvrons un écureuil roux, agonisant sur une pierre, percé de petits plombs. Il est encore tout chaud et comme endormi mais bien vite le gel l’aura rigidifié. Nous sommes atterrés : c’est un animal dont nous ne soupçonnions même pas l’existence par ici et, comme nous le vérifierons bientôt, il est rare et protégé par la loi. Alors pourquoi l’abattre ? Pire, en revenant aux vacances suivantes, nous avons un haut le cœur : le pare-brise du camping-car est éclaté ! Nous pensons tout de suite à une tentative d’intimidation, ne voudrait-on pas de nous à Saint-Victor ? Les vandales massacreurs d’écureuils veulent-ils nous faire partir ? Je vous dirai tout cela dans le prochain article.
 

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