9- Un car de Tchèques avec provisions

Publié le par BMx

 

 




 
          
C’est le petit monde très convivial du voyage à vélo qui nous avait fait connaître Dalibor. Médecin spécialiste en radiothérapie, il s’était retrouvé à Paris sur son vélo sans assez d’argent pour se payer l’hôtel et des cyclo-campeurs de notre association l’avait hébergé jusqu’à ce que ce fut notre tour. A l’époque, si le rideau de fer était tombé et permettait à ceux de l’est de venir à l’ouest, ils n’avaient que fort peu de moyens. D’ailleurs, simplement pour vivre dans son pays, Dalibor complétait son traitement de médecin par une activité de commerçant : il tenait boutique de cycles et organisait des voyages à l’étranger. C’est dire les ravages de l’économie planifiée !

            Il avait bien sûr commencé par les pays de l’est et l’Union Soviétique où il avait des relations bien placées mais évidemment, l’attraction du pays le plus touristique du monde, la France, finit par l’emporter. Dalibor était venu deux fois chez nous en banlieue parisienne. La deuxième fois, c’était en compagnie d’une superbe blonde qu’il nous présenta comme son interprète mais avec qui il tenait à partager le même lit. L’interprète était sympathique mais il était tout de même plus pratique de parler anglais à Dalibor que de passer par le français très hésitant de la blonde.

            C’est cependant avec la même interprète, sans doute plus compétente en d’autres domaines, que Dalibor organise cet été 1996 un voyage pour 26 cyclistes tchèques, avec des excursions à vélo entrecoupées de liaisons en car. Il nous a demandé s’il pouvait faire halte à St Victor et, après avoir obtenu permission de planter les tentes dans le pré de notre voisin Maurice, nous avons accepté.

            Nous allons les attendre en fin de journée chez Maurice justement et c’est Denise, sa femme, qui aperçoit le car la première. Il arrive par la route de St Félicien, comme au ralenti. Soit le chauffeur n’a pas l’habitude des virages, soit il en a déjà eu sa dose et il en est groggy. Nous nous précipitons au village pour les guider. Pour venir à Montpoulet, il faut passer par d’étroites ruelles, compliquées d’un virage à angle droit. Cela ne fait pourtant pas peur au chauffeur qui demande simplement qu’on enlève une voiture garée là. Hélas il n’avait pas vu un balcon proéminent et il doit faire marche arrière. Cela impressionne Maurice. Il faut dire que le car traîne une volumineuse remorque qui contient les 26 vélos. La manœuvre est donc délicate et bloque la circulation. Tout Saint-Victor se demande bientôt ce que vient faire cet énorme car dans un aussi petit village.

            Nous nous rabattons sur la solution de secours et c’est Maurice qui montre le chemin de la déviation par le bas du village.

            Voilà enfin le car et sa remorque à la fin du goudron chez Maurice. Mais il fait nuit noire. Je veux absolument qu’avant de continuer plus loin le chauffeur vienne examiner le chemin. C’est un chemin de terre, très pentu par endroit et… compliqué d’une très sèche épingle à cheveu. Le chauffeur, manifestement de la trempe d’Yves Montand dans Le Salaire de la Peur, se moque de mes craintes et prétend que si nous passons en voiture, il passerait forcément avec son car.

             Et nous voilà partis. Je suis à côté du chauffeur et je me cramponne. Le car a l’air deux fois plus large que le chemin, le pare-brise est battu par les branches des arbres et les phares semblent n’éclairer que quelques mètres en avant. Nous franchissons le premier raidillon à grand peine et reprenons de l’élan sur le replat qui suit. Virage à droite et puis, attention, le fameux virage du châtaignier. Dont les phares ne donnent aucune idée. Avec la vitesse il est impossible de deviner à temps où passe le chemin. La chauffeur pile juste avant que le car ne s’enfonce dans les pelorciers. Il n’ira pas plus loin.

            Le lendemain, nous venons prendre les dimensions du désastre. Une bricole pour les Tchèques. Ils sont en train de déjeuner tout autour du car dont les coffres sont ouverts. En effet, ils ont emporté toute leur nourriture de République Tchèque. Leur pouvoir d’achat est si faible ici que s’ils veulent se payer une folie à la pâtisserie, il s’y achètent… une baguette de pain. Les coffres du car, par contre, regorgent de nourriture. Ce ne sont donc pas des Tchèques sans provision !

                        
                   Ils font grande consommation de bière dès le petit déjeuner et apprécient beaucoup la gnôle que leur offre Maurice. C’est de la cerise et, Maurice est encore impressionné, tout le litre y passe !

C’est peut-être pour cela que dans l’excursion où nous les emmenons visiter Saint Félicien et Notre Dame d’Ay, nous perdons la moitié des participants. Dalibor est pourtant très content et décide de nous inviter pour une tournée de conférences qu’il organisera dans son pays. Nous y emmènerons nos vélos et commencerons par nous y voir infliger notre première amende avant que Françoise ait un accident qui va transformer notre vie. Mais je vous raconterai cela la prochaine fois.

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