Je me lance dans l'humanitaire
Je dis souvent que je ne sais pas quoi faire de mon pognon (je gagne autant en fin de carrière qu'un juge au début de la sienne). Donc j'ai décidé d'investir dans l'humanitaire, enfin je ne sais pas trop bien comment appeler cela, on disait le caritatif autrefois, bref, je viens d'acheter un gros 4x4.
D'abord parce que c'est leur outil de travail à tous ces humanitaires, vous avez remarqué, et puis le mien, il est fabriqué en Roumanie... Je contribue donc à donner du travail aux Roumains et à éviter que leurs minorités ethniques viennent faire la manche sur les trottoirs couverts de la Rue de Rivoli.
Évidemment, un gros 4x4, cela ne correspond pas bien à mon personnage. Je suis excessivement modeste et discret, absolument pas porté sur la prétention, et puis comme le dit la prétendue sagesse populaire, un quinqua qui achète un gros 4X4, c'est comme un ... report d'affection ; comme il ne peut plus dans un certain domaine, il se suréquipe dans un autre, mais à l'époque des aphrodisiaques pharmaceutiques, cela ne tient pas. Et quoi qu'il en soit, s'investir dans l'humanitaire, cela vaut bien quelques sacrifices.
Il fallait par exemple choisir entre des options telles que « pack baroudeur » et « kit look » ; c'est une voiture où presque tout est en option, même les roues (enfin, la roue de secours en tout cas). J'étais très gêné, et le vendeur l'a bien vu ; j'appelais cela les options « matuvu », pour ceux qui ne le sont pas du tout, baroudeurs, et qui veulent juste en avoir l'air pour descendre les Champs Élysées. Alors il m'a dit pas du tout, c'est le « kit look » pour frimer ; le « pack baroudeur », c'est très utile, ça évite de rayer les portières quand vous tombez dans les ravins, y'a un ski à l'avant, un ski à l'arrière, ça vous permet de surfer sur les congères, ça peut vraiment servir.
La poire en deux, c'est comme cela que je l'ai coupée. J'ai pris le « pack baroudeur » mais pas le « kit look ». En matière de sacrifice de soi et d'humanitaire, il y a des limites à ne franchir, il faut savoir jusqu'où l'on peut ne pas aller trop loin.