Rage de dents et collapsologie.

Publié le par Prince Bernard

 

J'aurais dû titrer Rage de dents et confinement, ou Rage de dents et effondrement, cela aurait rimé et eût été plus d'actualité, mais j'ai commencé les travaux avant la COVID-19. Celle-là (oui, c'est féminin) arriva cependant à point nommé pour sembler donner raison aux collapsologues. Sembler !

Une association de termes de toute façon bien surprenante, et qui, j'espère, aiguisera votre curiosité.

Commençons par la rage de dents :

Godet ouvert, une seule dent ne nécessite pas d'appareillage orthodontique. Toutes les autres sont à ressouder ; heureusement je connais un bon dentiste dans le village voisin.

Godet ouvert, une seule dent ne nécessite pas d'appareillage orthodontique. Toutes les autres sont à ressouder ; heureusement je connais un bon dentiste dans le village voisin.

Il s'agit donc des dents du godet de la mini-pelle, l'employée la plus versatile des services techniques de la Principauté. Pourquoi sont-elles déchaussées ? À cause des racines...

Rage de dents et collapsologie.
Rage de dents et collapsologie.
Rage de dents et collapsologie.
Rage de dents et collapsologie.

...qui, depuis le début du siècle, étaient parties à l'assaut de notre réservoir, l'entourant de tous côtés, enroulant leurs radicelles autour de la plus petite fuite d'eau et parvenant même à s'immiscer sous la dalle de béton dans le dessein machiavélique d'un jour la soulever pour la fracturer, en visant à l'éventration, rien moins, des trois mètres cubes d'eau potable patiemment collectés et pompés depuis notre source miraculeuse, dix mètres plus bas. Des racines si solidement ancrées dans le gore que l'acier du godet n'a pas résisté à une tentative d'arrachage en force.

L'œuvre d'un terroriste ? On peut le dire, puisque, après être passé des petites aux grosses racines, j'en arrive à l'énorme tronc d'un pin douglas de soixante ans, l'âge de la retraite, qu'il faut donc abattre sans pitié et dont il faut déménager les lourds tronçons.

Rage de dents et collapsologie.
Rage de dents et collapsologie.Rage de dents et collapsologie.
Rage de dents et collapsologie.Rage de dents et collapsologie.

En réalité, je ne m'étais pas risqué à l'abattre moi-même (c'est vicieux un arbre, saleté !) tant le risque était grand qu'il vînt éventrer la citerne ou la caravane. Nous avons donc eu recours à un débardeur professionnel, venu sur place d'abord pour emporter le morceau de forêt que nous avons vendu pour sauver la planète. (Eh oui, nous le destinions à remplacer la « forêt » de Notre Dame de Paris. Mais le Général Georgelin, en charge de la reconstruction, a répondu qu'il n'était « pas question qu'un joyau du patrimoine français fût restauré avec une essence américaine ». C'est vrai que le douglas doit son nom à l'Écossais David Douglas qui l'a introduit en Europe parce qu'il fournit un excellent bois de charpente, imputrescible à cœur. Mais j'y reviendrai en détail dans un prochain épisode.)

Le débardeur était équipé d'un engin de 17 tonnes. Le douglas n'a pas bronché...

L'engin, télécommandable (voyez les joysticks à la ceinture du débardeur dans le film suivant), auquel fut attaché un câble pour diriger la chute du douglas.

L'engin, télécommandable (voyez les joysticks à la ceinture du débardeur dans le film suivant), auquel fut attaché un câble pour diriger la chute du douglas.

Pourquoi abattre ce douglas ? J'y viens enfin. Outre ses racines envahissantes, il gênait pour installer un second réservoir d'eau potable pour faire face aux sécheresses de fin d'été dont les collapsologues nous disent qu'elles vont aller crescendo.

Il fallut ensuite démolir l'abri destiné à protéger la tuyauterie du gel (et qui a déjà connu quelques vicissitudes), après avoir brûlé quelques branches comme l'y autorisait la Préfecture suite aux dégâts de la neige de novembre.

Rage de dents et collapsologie.Rage de dents et collapsologie.
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Le vendeur est catégorique, on ne peut poser la citerne que sur une dalle de béton. Avec treillis soudé, bien sûr ! C'est ce que j'ai fait sur un hérisson de petites pierres comme ci-dessous.

Rage de dents et collapsologie.Rage de dents et collapsologie.Rage de dents et collapsologie.

 

Et puis, la dalle terminée, j'ai relu ce que dit le vendeur de sa citerne. Le modèle du début du siècle, de 3250 litres, ne se fait plus. J'en ai donc commandé une de 2750 litres, pour arrondir à deux camions de pompier, mais ce que je n'avais pas vu c'est que la nouvelle est plus longue et moins haute de 20 cm. Or le principe des vases communicants impose des niveaux supérieurs parfaitement alignés. Je devais donc rehausser la dalle. Mais je n'avais plus de mélange à béton...  (Je n'en ai pas commandé de peur de gêner la livraison de la citerne.)

Le magasin de matériaux m'a dit de rappeler la semaine d'après, mais qu'ils n'ouvriraient que si la carrière ouvrait elle aussi. J'ai attendu et le lundi suivant l'un ne répondait plus, et l'autre que la fédération des Travaux Publics leur interdisait d'ouvrir. Que faire ? Être confiné sans pouvoir couler de béton, c'est trop cruel ! Je décidai donc d'ouvrir ma propre carrière en Principauté. On m'a dit qu'il fallait une enquête d'utilité publique. Je la fis et bien sûr me trouvai en butte aux râleurs de profession et bobos écolos de service qui ne savaient pas que de nos jours on filtre les poussières et qu'on étouffe le bruit des tirs de mine. Il y en eut même qui se plaignirent de l'atteinte esthétique au paysage comme si le rocher à nu n'en faisait pas naturellement partie. Le commissaire enquêteur n'était heureusement pas homme à se laisser conter des sornettes et rendis un avis positif. Je pus commencer les travaux, marteau-piqueur électrique (Excalibur) pour le piquage et masse... manuelle pour le concassage. Piquage et concassage sont les deux mamelles...

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Cela ne produisit hélas pas grand-chose et il me fallut opter pour une dalle essentiellement constituée des pierres bâties à sec et recouvertes d'une fine couche de béton... d'amateur.

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Rage de dents et collapsologie.Rage de dents et collapsologie.

La nouvelle cuve avait été livrée au début du confinement total. Notre voisin Maurice l'avait transportée depuis le lieu de rendez-vous avec un gros semi-remorque au village, et j'avais pris le relais avec la mini-pelle. Il ne restait plus qu'à la mettre en place.

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Et puis connecter tout cela en vases communicants. Mais quelle galère quand on ne peut pas aller en magasin chercher les bonnes connexions, les bons réducteurs. Heureusement qu'il y avait encore Amazon !

Rage de dents et collapsologie.

Il reste encore à recouvrir de terre (pour l'isolation de la chaleur), à reconstruire un abri en dur (pour l'isolation du gel) mais déjà, le célèbre collapsologue Yves Cochet, dont je soupçonne l'installation d'eau potable très peu satisfaisante (à l'air libre !)  peut venir nous demander de l'eau. Malgré ses positions irrationnelles, nous lui en ferons la charité de bon cœur ! laugh

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