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tour du monde a velo et autres folies

Montpoulet - Port Saint-Louis du Rhône par la Via Rhôna

Publié le par Prince Bernard

 

Nous sommes partis vers la mer à vélo en suivant la ViaRhôna à partir de Tournon, l’ « Athènes ardéchoise ». Cela nous promettait de l’ultra-facile, du beau temps, du confortable : pas de camping, que des hôtels. Et pourtant nous nous retrouverions trois jours plus tard à risquer nos vies, trempés jusqu’aux os, à la recherche d'un abri pour la nuit.

La vrille a commencé au nord d’Avignon. Signalisation ViaRhôna totalement absente. Deux frères allemands qui nous précédaient vous le confirmeraient. Un automobiliste bienveillant nous dit qu’il existait une « piste cyclable » dans telle direction, après deux rond-points. Nous y allons, trouvons une bande cyclable non estampillée VR mais nous la suivons (faute de grives…) et elle nous emmène au centre d’une ville appelée Le Pontet. Où nous attend la pluie. Nous nous arrêtons sous un porche pour consulter les cartes en ligne. La 4G n’est pas terrible, nous entrons dans l’auto-école pour demander. La dame est très compréhensive et sa connexion bien meilleure. Elle a entendu parler d’une voie cyclable qui commencerait là-bas, au-delà de la zone commerciale. Je mémorise le trajet.

Nous trouvons l’avenue Louis Pasteur mais la pluie redouble et nous nous mettons à l’abri sous l’auvent d’un supermarché. Nous y sommes depuis deux minutes à consulter MapsGoogle quand un jeune homme de piètre apparence s’approche de nous pour nous demander d’utiliser mon téléphone. Sa voiture est là, immatriculée dans un département lointain, en panne sèche, sa carte bleue bloquée, son téléphone vidé d’électricité. Il veut appeler sa copine, dont il n’a même pas le numéro (fin du discours indirect libre). En plus il pue terriblement de la gueule. Qu’auriez-vous fait à ma place ? Demander comment on peut appeler quelqu’un sans connaître son numéro ! Très simple, il suffit d’aller sur sa page  Facebook et d’utiliser Messenger. J’ouvre l’appli, quel nom ? Nancy Starr ? Ben non, je trouve pas. « Monsieur, laissez-moi me connecter sur ma page, je vais pas vous le voler, votre portable !» Diable, il lit dans mes pensées ! Qu’auriez-vous fait à ma place ? Je lui tends mon appareil. Il se connecte et très vite il a sa copine au bout du fil. De mielleux et timide jusqu’à présent, son ton devient colérique : il l’insulte copieusement. La copine doit venir le chercher mais il ignore où il est. Je prends une photo du magasin pour qu’elle le géolocalise. C’est maintenant moi qui communique avec elle, et mon facebook restera sous le pseudo du jeune homme encore trois jours.

Pour l’heure, sous la pluie battante nous trouvons enfin, après nous être égarés dans un bidonville entre deux bretelles de voies rapides, la ViaRhôna. Une superbe voie verte qui nous emmène en Avignon au travers de banlieues déprimantes où les femmes sont voilées et les hommes en barbes longues. Des travaux le long des remparts nous compliquent encore la vie mais nous voici enfin de l’autre côté du fameux pont, en direction de Beaucaire, à un carrefour où un panneau VR mal orienté nous entraîne sur une fausse piste où il y a un hôtel. Nous sommes trempés, il est 16 heures, on pourrait bien s’arrêter là. Françoise refuse, elle veut avancer, c’est vrai que nous avons une date impérative d’arrivée aux Saintes Maries de la Mer le lendemain. Nous progressons alors le long d’une très jolie petite route, mais sous une pluie qui finit par me miner le moral.  Sous un pont où nous nous sommes réfugiés, je propose à nouveau l’hôtel. La batterie de mon portable n’a pas supporté l’épisode Nancy Starr mais celui de Françoise, d’une célèbre marque californienne, tient encore le coup. On va bien trouver un hôtel avant Beaucaire, répond-elle, et puis au pire, il y a AirBnB. Cela devient sa formule magique, son sésame ouvre-toi, AirBnB. Sous le pont, nous cherchons quand même un hôtel. Son application nous en signale en effet deux dans les environs. Le premier ne répond pas. Le deuxième, au doux nom de Lagon, évocateur de palmiers, de soleil et de bain chaud, nous répond, précise un prix très abordable ; je réserve. La dame précise qu’ils ne sont pas à Rochefort du Gard même, mais au bord de la Nationale 100. Cela tombe bien, c’est la grande route que la ViaRhôna suit à distance.

Vingt kilomètres plus loin en Aramon, trempés, nous n’avons toujours pas vu l’hôtel ni la route pour Rochefort du Gard. Il ne reste qu’une heure avant la nuit. Françoise interroge son portable à la recherche d’un AirBnB. La 3G lui permet tout juste de se rendre compte qu’il n’y en a pas. J’ouvre une vieille Michelin au 100000è, ah finalement, le papier ça marche encore pas mal, sans batterie ni couverture 4G, et je me rends compte que nous n’avons pas suivi la N100 mais la D2, nouvelle voie rapide, et considérablement dépassé la bifurcation pour Rochefort. Je choisis pourtant la seule option sûre d’un abri que nous ayons : le Lagon. Nous appelons et nous faisons expliquer la route. « Ah, vous arrivez par la petite route de montagne ! » Exit la ViaRhôna. Il faut franchir un col à deux chevrons Michelin. Mais le ciel, par pitié, arrête de pleuvoir. Nous rejoignons la Nationale 100 entre chien et loup et sous les klaxons des automobilistes qui nous reprochent de n’être pas éclairés. Je déballe quatre clignotants à led que j’installe tant bien que mal sur les sièges de nos vélos couchés. Nous prenons la Nationale en direction d’Avignon, seule solution pour trouver l’hôtel à coup sûr. Bientôt nuit noire, les fesses serrées, les yeux plissés pour tenter d’apercevoir la limite entre le goudron et le fossé, contents finalement des voitures qui nous dépassent à vive allure mais qui nous éclairent la route. Nous arrivons à un rond point, nous nous renseignons auprès d’un groupe de fumeurs. « Ah, le magasin de Harley Davidson (notre indice), c’est le rond-point suivant, à 5 km, vous en avez des vélos bizarres, pas de guidon ? Et vous n’avez pas d’éclairage, mais c’est dangereux ! ».

Le Lagon au bout d’une course folle, enfin, à 21h…

Deuxième épisode : Mon pneu menace d'éclater en plein milieu de la Grande Camargue et de ses méchants taureaux.

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Souvenirs, souvenirs

Publié le par Prince Bernard

Cet été une éditrice m'a demandé des clichés de vélos couchés dans un décor de montagnes pour illustrer un ouvrage. Elle voulait des « clichés libres de droits », participant ainsi je suppose de l'élan actuel vers la suppression des droits d'auteur. Mais juste avant, elle m'avait demandé un cliché de la couverture de Tandem sur la Banquise, histoire de, sans le dire explicitement, échanger les droits contre de la publicité pour cette petite plaquette à l'italienne dont il doit bien me rester un millier d'exemplaires même si nous en donnons à tout visiteur de Montpoulet, tout visiteur en possession d'un visa s'entend, visiteur avec papier si l'on veut.

Ces clichés n'existaient encore que sur résines colorées, vous savez, ces espèces de tartines de confitures où la lumière creuse ici la fraise ou la mirabelle, là le cassis ou la tomate verte pour ne laisser passer que certaines couleurs quand on intercale la tartine entre une ampoule hallucinogène et un drap de lin blanc. Oui, c'est ça, j'avais oublié le nom, des dia-po-si-tives !

Il m'a donc fallu ressusciter le pilote d'un vieux scanneur à diapos, qui ne marche qu'avec Windows XP, extraire au Laguiole les tartines de leurs cadres sous verre, les ranger dans un petit chariot à crémaillère et que le scanneur a avalées avant de les recracher en millions de chiffres pour donner ça :

Dans les Landes et la Touraine...

dans le sud de l'Angleterre...
dans le sud de l'Angleterre...
dans le sud de l'Angleterre...
dans le sud de l'Angleterre...
dans le sud de l'Angleterre...
dans le sud de l'Angleterre...

dans le sud de l'Angleterre...

...la vallée du Rhône et les Cévennes de l'Ardèche...
...la vallée du Rhône et les Cévennes de l'Ardèche...
...la vallée du Rhône et les Cévennes de l'Ardèche...

...la vallée du Rhône et les Cévennes de l'Ardèche...

...à la Lozère.
...à la Lozère.
...à la Lozère.
...à la Lozère.
...à la Lozère.
...à la Lozère.

...à la Lozère.

Souvenirs, souvenirs
Souvenirs, souvenirs
Souvenirs, souvenirs
Souvenirs, souvenirs
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Topettelesmouettes

Publié le par Prince Bernard

Maintenant que nos vélos sont équipés du positionnement par satellites, il nous faut revoir quelques certitudes : le col d’entrée dans la Principauté est à 663 m d’altitude et non pas à 650 m comme je l’avais hâtivement calculé sur carte en espérant qu’il fasse ainsi lieu de rassemblement pour la Confrérie des 650 (il s’agit du diamètre de leurs roues, en millimètres, en derniers défenseurs du système métrique pour le vélo) et la distance au premier village français, Saint-Victor, n’est pas de 2 km mais très précisément de 1604 m (il s’agit donc pile d’un mile anglais, de quoi accélérer notre adoption des mesures impériales pour renforcer notre dossier de candidature au Commonwealth —l’objet d’un prochain article)

 

C’est d’ailleurs l’informatique géopositionnée qui nous a remis sur les vélos. Quel bonheur en effet que, sans avoir à péniblement installer un aimant sur un rayon puis un capteur sur une fourche puis le compteur sur un tube du cadre, puis des piles dans le compteur, que de savoir depuis quelle heure on roule, combien de kilomètres on a parcouru et à quelle vitesse moyenne et maximale, où l’on s’est arrêté et si c’était pour pisser ou pour prendre une photo, à combien de coups par minute son cœur bat et dans combien de temps, donc, on est sensé passer de vie à trépas. C’est donc grâce aux satellites américains et c’est certainement M. Obama qui veille ainsi sur nous.

Enfin, lui ou sa femme, puisque la première fois que j’ai utilisé l’application, c’est une voix de femme qui est sortie de la sacoche où j’avais enfermé la tablette, pour claironner les informations listées ci-dessus. Avec un abominable accent, il va sans dire ; elle a dû apprendre le français sur internet, Mme Obama.

Que des selfies à l'ancienne, au jugé.Que des selfies à l'ancienne, au jugé.
Que des selfies à l'ancienne, au jugé.
Que des selfies à l'ancienne, au jugé.Que des selfies à l'ancienne, au jugé.

Que des selfies à l'ancienne, au jugé.

Ce qui nous a surtout remis sur les vélos, à vrai dire, c’est la sollicitation amicale. Autant, ci-dessus, les membres des divers clubs auxquels nous appartenons que des amis lyonnais pour qui nous sommes les régionaux de l’étape Ardéchoise ou les guides indigènes en Terres Inconnues…

Col des Emballes à 14% et Dolce Via à moins de 4%Col des Emballes à 14% et Dolce Via à moins de 4%
Col des Emballes à 14% et Dolce Via à moins de 4%

Col des Emballes à 14% et Dolce Via à moins de 4%

...que les cyclo-campeurs détournés en Principauté par les annuaires tels que Warm Showers ou Cyclo Accueille Cyclo. Nous avons ainsi reçu Marion dont les photos suivantes, encore des selfies à l'ancienne, viendront compléter celle de son blog : Topettelesmouettes

 

Le détail qui tue sur le vélo de Marion, c'est le bout de polystyrène sous la béquille.
Le détail qui tue sur le vélo de Marion, c'est le bout de polystyrène sous la béquille.Le détail qui tue sur le vélo de Marion, c'est le bout de polystyrène sous la béquille.

Le détail qui tue sur le vélo de Marion, c'est le bout de polystyrène sous la béquille.

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Lettre ouverte à Jean-Louis Ezine, chroniqueur à France Culture.

Publié le par Prince Bernard

 

Ainsi donc vous êtes un amateur de vélo !

Voilà pourquoi en 1987 vous vous étiez intéressé à mon récit de tour du monde à vélo et m'aviez fait les honneurs de France Culture -et accompli le tour de force de m'en avoir fait payer un cachet de façon à couvrir mon déplacement. Cela m'a marqué à vie et transformé en un de vos fans inconditionnels, ce que je demeure même en découvrant que ce n'était pas (seulement) la qualité de mes écrits qui m'avait valu l'invitation à votre micro. Cela m'avait aussi donné, tant pis si je m'égare un peu, une image dispendieuse du Service Public : c'était alors mon quart d'heure de gloire, j'allais d'organe de presse en organe de presse et j'avais par exemple été reçu par une radio où l'interviouveur, non seulement faisait office d'ingénieur du son et répondait au téléphone mais ouvrait également la porte aux visiteurs. A Radio France, point de pareilles économies, tout un peloton d'agents de sécurité et surtout, en plus du spikeur, au moins trois personnes derrière la vitre : le technicien, la réalisatrice et son assistant... Dès lors, aucun déficit public ne pouvait plus m'étonner.

J'ai à plusieurs reprises failli venir à vous comme un fan éploré qui ne parvient plus à vous suivre tellement vos délicieux billets changeaient d'horaire. Vous interveniez naguère au moment où j’arrivais, en quête de ma baguette matinale, au cimetière de Saint Victor où l’on vient se faire enterrer de loin puisqu’on y jouit de la plus belle vue sur le Mont Blanc. Moi j’y serai à cause de la proximité immédiate d’un fourreau de fibres optiques qui permettra d’équiper ma tombe des derniers perfectionnements numériques, histoire de me garantir une éternité toilée, à l'écoute de vos billets baladodiffusés.

Et puis vous intervîntes plus tôt, ou plus tard, mais en dehors de la fenêtre qui me permettait de vous entendre idéalement dans ma voiture en quête du pain quotidien. Je ne me souviens plus des différents épisodes où je vous retrouvai malgré les caprices de vos supérieurs mais enfin je vous tiens, à la même heure depuis quelque temps et vous êtes la balise principale de ma routine de lever. Vous intervenez entre le rasage et le shampooing. C'est d'une précision assez délicate à assurer. Plus d'une fois j'ai dû vous écouter le poil humide, me retenant de mettre le sèche-cheveu en marche de peur qu'il ne couvre votre voix. Plus d'une fois, j'ai dû interrompre le rasoir pour la même raison. Quand je ne me laisse pas retenir au lit par le radio-réveil, qui ne capte pas France Culture, j'arrive le poil ras et sec à mettre la voiture en route, donc l'autoradio, juste avant que vous preniez le micro. Vous intervenez alors que, moteur rugissant, je m'extirpe de la pente ultra-raide qui descend chez moi au milieu de la forêt et émerge face au soleil qui se lève sur le Mont Blanc.

Votre style, votre formidable et délicat humour, votre maîtrise confondante de la langue sont évidemment un modèle pour moi. Je m'essaye à suivre votre voie dans le blog où je publie cette lettre et ma modestie ne résiste pas à l'envie de vous faire savoir que, si vous m'avez connu il y a 25 ans maçon cycliste auteur d'un récit auto-édité parsemé de fautes d'orthographe, je suis devenu agrégé d'anglais, doyen de la promotion 2011, et cela m'a doté, quoiqu'en disent les critiques sur le « formatage » de ce concours, d'un savoir-faire, d'une rigueur et d'une ouverture d'esprit que je n'avais pas auparavant mais dont je vous sais pourvu. Sans compter la revanche sur de très humbles origines et sur trois décennies en-dessous du seuil de pauvreté.

J'espère donc, sauf à perdre quelques minutes d'un sommeil précieux, qu'on ne vous rendra pas encore plus précoce sur les ondes.

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