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Tri sélectif et pronostic réservé

Publié le par Prince Bernard

Que se cache-t-il derrière cette élégante palissade en voliges de douglas lasuré chêne clair ?

Tri sélectif et pronostic réservé

 

Et bien oui, la déchetterie cum tri sélectif de la Principauté.  

Tri sélectif et pronostic réservé

Au début, on disait « collecte sélective », ce qui avait un sens commun évident, à savoir que le ramassage des ordures n’est pas le même suivant le type de déchets, qu’on sélectionne, qu’on trie les déchets avant de les collecter. Et puis on est arrivé, comment je ne sais pas, à « tri sélectif », ce qui ressemble furieusement à un pléonasme, car enfin, comment trier sans sélectionner, comment sélectionner sans trier ?

Et puis j’ai pensé au « génie de la langue ». C’est une expression qu’utilisent les linguistes pour décrire certains phénomènes imprévisibles et sans logique apparente qui produisent cependant des locutions qui expriment au mieux la pensée des locuteurs avec une belle économie de mots. Je me suis dit que les gens ne disaient pas tri sélectif sans raison profonde, même inconsciente. J’ai donc été amené à penser que la collocation « tri sélectif » ne voulait pas simplement dire qu’on « trie » avant de collecter, mais qu’après avoir collecté on « sélectionne » ce qui pourra être valorisé. Autrement dit qu’il y a une hiérarchie dans les déchets triés et que certains ont plus de valeur que d’autres.

 

On a le même glissement dans le temps avec le « pronostic vital engagé » dont les médecins, imités par les journalistes, ont la bouche pleine depuis quelques années. Au début ils disaient pronostic vital réservé, ce qui avait un sens commun : ils réservaient leur pronostic ; que le malade aille vivre ou mourir, ils ne sauraient le prévoir ou le pronostiquer

Mais en médecine, comme dans de nombreuses professions où on se la pète, on ne veut pas parler comme le vulgum pecus, alors on jargonne. J’ai mis longtemps à comprendre le pourquoi de la nouvelle expression, pronostic vital engagé, qui littéralement ne veut rien dire : que l’on engage un pronostic ne dit strictement rien sur ce pronostic, même pas qu'il est réservé. Mais pas de génie de la langue ici, pur jargon. Et cela fait allusion à cette autre expression médicale absconse : le « risque vital » (risque de vie, en bon français). Non, m’insurgeais-je, c’est un risque de mort, donc un « risque mortel » ! Un risque de vie, ce n'est d’ailleurs pas un risque, sauf en cas de surpopulation ! Voilà du jargon qui vous sépare bien les catégories, d’un côté le malade qui n’a pas à savoir et de l’autre le médecin dont le savoir n’est pas à partager. Voilà un jargon qui fait bien le tri en somme, un tri très sélectif !

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Montpoulet - Port Saint-Louis du Rhône par la Via Rhôna

Publié le par Prince Bernard

 

Nous sommes partis vers la mer à vélo en suivant la ViaRhôna à partir de Tournon, l’ « Athènes ardéchoise ». Cela nous promettait de l’ultra-facile, du beau temps, du confortable : pas de camping, que des hôtels. Et pourtant nous nous retrouverions trois jours plus tard à risquer nos vies, trempés jusqu’aux os, à la recherche d'un abri pour la nuit.

La vrille a commencé au nord d’Avignon. Signalisation ViaRhôna totalement absente. Deux frères allemands qui nous précédaient vous le confirmeraient. Un automobiliste bienveillant nous dit qu’il existait une « piste cyclable » dans telle direction, après deux rond-points. Nous y allons, trouvons une bande cyclable non estampillée VR mais nous la suivons (faute de grives…) et elle nous emmène au centre d’une ville appelée Le Pontet. Où nous attend la pluie. Nous nous arrêtons sous un porche pour consulter les cartes en ligne. La 4G n’est pas terrible, nous entrons dans l’auto-école pour demander. La dame est très compréhensive et sa connexion bien meilleure. Elle a entendu parler d’une voie cyclable qui commencerait là-bas, au-delà de la zone commerciale. Je mémorise le trajet.

Nous trouvons l’avenue Louis Pasteur mais la pluie redouble et nous nous mettons à l’abri sous l’auvent d’un supermarché. Nous y sommes depuis deux minutes à consulter MapsGoogle quand un jeune homme de piètre apparence s’approche de nous pour nous demander d’utiliser mon téléphone. Sa voiture est là, immatriculée dans un département lointain, en panne sèche, sa carte bleue bloquée, son téléphone vidé d’électricité. Il veut appeler sa copine, dont il n’a même pas le numéro (fin du discours indirect libre). En plus il pue terriblement de la gueule. Qu’auriez-vous fait à ma place ? Demander comment on peut appeler quelqu’un sans connaître son numéro ! Très simple, il suffit d’aller sur sa page  Facebook et d’utiliser Messenger. J’ouvre l’appli, quel nom ? Nancy Starr ? Ben non, je trouve pas. « Monsieur, laissez-moi me connecter sur ma page, je vais pas vous le voler, votre portable !» Diable, il lit dans mes pensées ! Qu’auriez-vous fait à ma place ? Je lui tends mon appareil. Il se connecte et très vite il a sa copine au bout du fil. De mielleux et timide jusqu’à présent, son ton devient colérique : il l’insulte copieusement. La copine doit venir le chercher mais il ignore où il est. Je prends une photo du magasin pour qu’elle le géolocalise. C’est maintenant moi qui communique avec elle, et mon facebook restera sous le pseudo du jeune homme encore trois jours.

Pour l’heure, sous la pluie battante nous trouvons enfin, après nous être égarés dans un bidonville entre deux bretelles de voies rapides, la ViaRhôna. Une superbe voie verte qui nous emmène en Avignon au travers de banlieues déprimantes où les femmes sont voilées et les hommes en barbes longues. Des travaux le long des remparts nous compliquent encore la vie mais nous voici enfin de l’autre côté du fameux pont, en direction de Beaucaire, à un carrefour où un panneau VR mal orienté nous entraîne sur une fausse piste où il y a un hôtel. Nous sommes trempés, il est 16 heures, on pourrait bien s’arrêter là. Françoise refuse, elle veut avancer, c’est vrai que nous avons une date impérative d’arrivée aux Saintes Maries de la Mer le lendemain. Nous progressons alors le long d’une très jolie petite route, mais sous une pluie qui finit par me miner le moral.  Sous un pont où nous nous sommes réfugiés, je propose à nouveau l’hôtel. La batterie de mon portable n’a pas supporté l’épisode Nancy Starr mais celui de Françoise, d’une célèbre marque californienne, tient encore le coup. On va bien trouver un hôtel avant Beaucaire, répond-elle, et puis au pire, il y a AirBnB. Cela devient sa formule magique, son sésame ouvre-toi, AirBnB. Sous le pont, nous cherchons quand même un hôtel. Son application nous en signale en effet deux dans les environs. Le premier ne répond pas. Le deuxième, au doux nom de Lagon, évocateur de palmiers, de soleil et de bain chaud, nous répond, précise un prix très abordable ; je réserve. La dame précise qu’ils ne sont pas à Rochefort du Gard même, mais au bord de la Nationale 100. Cela tombe bien, c’est la grande route que la ViaRhôna suit à distance.

Vingt kilomètres plus loin en Aramon, trempés, nous n’avons toujours pas vu l’hôtel ni la route pour Rochefort du Gard. Il ne reste qu’une heure avant la nuit. Françoise interroge son portable à la recherche d’un AirBnB. La 3G lui permet tout juste de se rendre compte qu’il n’y en a pas. J’ouvre une vieille Michelin au 100000è, ah finalement, le papier ça marche encore pas mal, sans batterie ni couverture 4G, et je me rends compte que nous n’avons pas suivi la N100 mais la D2, nouvelle voie rapide, et considérablement dépassé la bifurcation pour Rochefort. Je choisis pourtant la seule option sûre d’un abri que nous ayons : le Lagon. Nous appelons et nous faisons expliquer la route. « Ah, vous arrivez par la petite route de montagne ! » Exit la ViaRhôna. Il faut franchir un col à deux chevrons Michelin. Mais le ciel, par pitié, arrête de pleuvoir. Nous rejoignons la Nationale 100 entre chien et loup et sous les klaxons des automobilistes qui nous reprochent de n’être pas éclairés. Je déballe quatre clignotants à led que j’installe tant bien que mal sur les sièges de nos vélos couchés. Nous prenons la Nationale en direction d’Avignon, seule solution pour trouver l’hôtel à coup sûr. Bientôt nuit noire, les fesses serrées, les yeux plissés pour tenter d’apercevoir la limite entre le goudron et le fossé, contents finalement des voitures qui nous dépassent à vive allure mais qui nous éclairent la route. Nous arrivons à un rond point, nous nous renseignons auprès d’un groupe de fumeurs. « Ah, le magasin de Harley Davidson (notre indice), c’est le rond-point suivant, à 5 km, vous en avez des vélos bizarres, pas de guidon ? Et vous n’avez pas d’éclairage, mais c’est dangereux ! ».

Le Lagon au bout d’une course folle, enfin, à 21h…

Deuxième épisode : Mon pneu menace d'éclater en plein milieu de la Grande Camargue et de ses méchants taureaux.

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