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Plus de poules à Montpoulet

Publié le par Prince Bernard

Nos poules au port altier, à la cuisse légère et aux sot-l’y-laisse succulents attisent la convoitise des barbares qui entourent notre petite maison dans la forêt : buses variables et éperviers communs, autours des palombes aux yeux rougeschiens errants aux yeux de rage et naturellement, renards roux et fouines grises.

 Nous nous sommes protégés des premiers en installant des filets, des seconds en renforçant la porte qu’ils avaient défoncée, mais les renards ont pour eux la ruse d’agrandir la moindre des failles dans la maille de la grille, patiemment, consciencieusement, jusqu’à obtenir un trou d’à peine 15 cm de diamètre, bien caché par quelque herbe folle et par lequel ils arrivent non seulement à entrer mais à extirper les corps de leurs victimes. Il fallait bien prendre une mesure énergique et d’envergure.

Aussi avons-nous décidé de faire d’une pierre deux coups : institutionnaliser la chasse au renard pour en réduire le nombre et en même temps nous angliciser davantage pour augmenter nos chances d’être admis au sein du Commonwealth. C’est à Roger que revint le mérite du premier gibier, un superbe mâle qu’il a occis d’un coup de... binette. Il est clair que la méthode n’est pas très anglaise. La chasse au renard chez les sujets de sa majesté ne se fait pas à binette mais à courre avec de nombreux chiens limiers. Nous avons évidemment dû adapter la tradition au terrain particulièrement accidenté de Montpoulet. Donc la binette. Roger, déjà fait par nous Marquis de la Ronce pour son travail consciencieux au jardin, fut ainsi nommé « Grand Veneur » pour le courage exceptionnel dont il fit preuve dans cette chasse. Et la nouvelle se répandit chez les goupils. Plus aucun d'entre eux ne s'est plus risqué à portée de binette.

Mais il y eût plus récemment la fouine. Il y a un mois environ. La clameur de la basse-cour a attiré mon attention vers six heures vingt. Je me suis précipité mais le poulailler est loin. J'ai juste aperçu la bête, de la taille d'un chat, mais plus effilé, comme un écureuil mais moins roux, qui s'échappait le long de la pièce oblique qui sert de contrefort à un poteau. Au sommet, un trou dans le filet. Au pied, deux pondeuses, l'une égorgée, l'autre entamée. Deux survivantes et un disparu, le coq nain au cocorico d'airain. On nous a dit que les fouines ne faisaient que saigner, n'emportaient pas. Mais de coq nain, point. Alors ?

Et ce 29 avril an 12 est tout de tristesse, les deux dernières poules ont disparu. Certainement à la faveur de la nuit de tempête, alerte orange, qui vient de sévir : elles n'ont pas touché au blé que je leur ai servi hier soir. Disparition mystérieuse. Le vent a déplacé le filet et a créé un trou à deux mètres du sol. Comment un prédateur peut les avoir déménagées à cette hauteur-là ? Et puis pas une seule trace de lutte, pas une plume ! Pas un cadavre.

Cependant la poule est maintenant une espèce en voie de disparition à Montpoulet. Mais que fait le Fond double Vé ?

 


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Crépines, caillettes et sourciers

Publié le par Prince Bernard

Ah, la tête des archéologues !

... quand dans plusieurs siècles ils déterreront ma crépine de compétition.

 

         Gourou Gore a beau nous avoir bien menti sur le réchauffement de la planète, il y a des étés à Montpoulet où il faut se rabattre sur le Crozes-Hermitage tellement l'eau se fait rare. Nous dépendons entièrement de nos sources. La principale n'a jamais tari. La deuxième qui coule directement dans la cuisine (voyez l'épisode précédent) rend l'âme dans l'été pour ne ressusciter qu'à la première neige. J'en ai donc capté une troisième. Cela se fait normalement au moyen d'une crépine. Mais je n'en avais pas, j'ai donc innové dans l'art récupérateur.

DSCN1931.JPG

 

C’est le balai d'un aspirateur de piscine que j’ai adapté. Comme il s’agit d’un aspirateur par effet Venturi, cela ressemble à un balai de navette spatiale, avec ses deux moignons et son tuyau, que l’on aurait emmaillotés de moustiquaire. Et puis, bien clairement, sur le plastique bleu qu’on nous dit devoir durer une éternité, les mots « fabriqué en Chine » : première enigme pour l'archéologue du futur. Posée sur un lit de grosses pierres, sous un mètre d’argile au milieu de la prairie pentue, pour alimenter la Potte aux Grenouilles où je branche une pompe pour arroser le jardin… Ah la tête des archéologues !

 

Puis, avec toute la prétention qui me caractérise, j'ai réalisé deux plaques commémoratives :

DSCN2273.jpg

(Visiteur du futur, attention, la crépine n'est pas de porc)

DSCN2272.jpg

(Crépine à effet Coriolis – 3è source. BMx an XI)

... des inscriptions qui, bien avant leur future découverte, méritent une petite explication de texte (à leur découverte, ce sera bien pire : une nouvelle pierre de Rosette !).

              Crépine est un mot polysémique, comme disent les savants. Il désigne aussi la membrane graisseuse (et ajourée, à la manière du crêpe, l'étoffe, son étymologie) qui entoure les viscères de certains mammifères comme le cochon. Cette crépine-là est utilisée en charcuterie et notamment pour la fabrication des caillettes. La princesse vient d'en fabriquer 240. Une tradition de bon « mesnage des champs » : arrivée la fin de l'été, toutes les « herbes » du jardin, blettes, chou et épinards, sont cuites et mélangées à de la viande de porc, dont la tuade est aussi de cette saison.

               Caillette, d'ailleurs, a aussi sa polysémie : notre ami vétérinaire, l'auteur des hystérectomies de cet été, nous a confié qu'il « en faisait aussi des caillettes ». La caillette étant également cette partie des estomacs des ruminants qui termine la digestion. La plus développée chez le veau, c'est elle qui digère le lait après l'avoir « caillé ». C'est là qu'on prélève la présure pour fabriquer le fromage. Ce qui me fait penser au « caille-lait » dont se nourrissent exclusivement les « crache-sang », cet adorable coléoptère encore préservé à Montpoulet. Mais revenons à nos moutons : « faire une caillette », pour un vétérinaire, c'est la remettre en place alors qu'anormalement déplacée à gauche, elle ne remplit plus ses fonctions et constitue une menace mortelle pour l'animal.

               L'observateur attentif aura remarqué que j'ai barré à la peinture l'inscription gravée « coriolis » puisque c'était une lamentable confusion avec l'effet « venturi ». La corriger carrément n'eût servi à rien puisqu'il y a fort à parier que dans plusieurs siècles la peinture aura disparu et que ne subsisteront que les mots gravés dans le béton (elle n'avait d'intérêt, cette peinture, que pour le visiteur de cette page ; tiens, existera-t-elle encore ?) et que ce « coriolis » sera une autre énigme voire le sujet d'âpres débats entre spécialistes de l'épigraphie)

                 Il y a de l’eau partout ici. Dès que je creuse, j’en trouve de petits filets à faible profondeur. Poser les deux fosses septiques m'a imposé d'installer des drains : pour la première, l'eau finissait par liquéfier l'argile dont la masse courba la fosse. Un paradis pour les sourciers. Si j’étais malhonnête je me dirais des leurs. Mais il faut tordre le cou aux croyances moyenâgeuses. Et plutôt que de demander à un sourcier où il y a de l'eau, il conviendrait plus logiquement de lui demander où il n'y en a pas du tout, à aucune profondeur. Je suis sûr que cela le mettrait bien dans l'embarras.

 

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