Montpoulet : accès dangereux

Publié le par Prince Bernard

Qu'on se le dise, notre nid d'aigle est inexpugnable. Déjà, il y a quelques années, l'armée française (la gendarmerie) renonçait à monter jusqu'à nous ; avant-hier ce fut le facteur.

Un jeunot de remplaçant, nourri à la bagnole, au canapé-télé et à la manette de jeux. Pas comme notre facteur habituel, qui était en sixième avec moi et qui, quand la neige l'empêche de monter en voiture, termine à pied jusqu'à la boîte.

J'avais d'ailleurs été impressionné, à notre installation, par l'intrépidité des facteurs de l'ancienne génération. Moi j'étais prêt à ce qu'on nous demande de laisser notre boîte chez nos voisins, au bout du goudron, avant la pénible montée, avant le pont de lianes au-dessus des crocodiles. Mais non. Le receveur de Saint Félicien m'avait écrit qu'il avait envoyé le facteur pour examiner les lieux et que ce dernier avait dit que jusqu'au sommet du col, aucun problème, mais que pour redescendre à la maison, vingt mètres plus bas en pente abrupte, jusqu'à 30%, ce serait peut-être difficile en hiver. Nous avons donc installé la boîte au sommet. Mais la première remplaçante, quelques mois plus tard, une fille de Pailharès, à qui les pentes ne font pas peur, ayant besoin de notre signature, avait risqué sa voiture dans la redescente et, encore plus méritoire, l'avait ressortie sans aide. Nous lui avions décerné le diplôme de La Factrice la Plus Intrépide. C'était historique puisque la mémoire familiale nous signalait une première voiture, une Dauphine, que le fils cadet de mon arrière-grand-père, avait fièrement descendue jusqu'à la maison. Mais il avait fallu atteler deux vaches pour la remonter. Une deuxième voiture, un taxi-ambulance était venue emporter mon arrière-grand-mère à l'hôpital. Elle y est morte. Et, pour la veillée funèbre qui se faisait alors dans les foyers, le taxi n'a jamais voulu rapporter le corps à Montpoulet, il avait trop peiné pour en sortir. Notre facteur habituel, lui, monte, descend et remonte les doigts dans le nez.

Mais les temps changent, et les facteurs aussi. Les nouveaux sont moins intrépides, ils ne savent plus marcher il semble.

Montpoulet : accès dangereux

Publié dans Le Prince s'indigne

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