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Taille en tête de chat

Publié le par Prince Bernard

Coupe de printemps. Taille en têtes de chat.

Taille en tête de chat
Taille en tête de chatTaille en tête de chat

Ce vénérable tilleul n’a pas été planté par Sully, faut pas exagérer, mais par Charles IX (sur ses ordres, je suppose) à son passage tout près lorsque, agacé de voir qu’on ne célébrait pas le nouvel an le même jour à Lyon et à Vienne, il signa l’Édit de Roussillon. Cet édit établit le premier janvier comme le Nouvel An et bientôt le monde entier (à part les Chinois) fit de même. Pourquoi « de Roussillon » ? Parce qu’il fuyait alors une épidémie de peste et s'était arrêté dans cette bourgade de la vallée du Rhône, logé par le Cardinal de Tournon, parent proche des seigneurs de Montpoulet. Ce n’est donc pas à Montpoulet qu’on a décidé de commencer l’année le premier janvier, faut pas exagérer, mais pas loin ! Quand je vais raconter cela à la Reine d’Angleterre, à sa venue ici pour fêter l’admission de Montpoulet dans le Commonwealth, ça va la faire bicher !

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Tri sélectif et pronostic réservé

Publié le par Prince Bernard

Que se cache-t-il derrière cette élégante palissade en voliges de douglas lasuré chêne clair ?

Tri sélectif et pronostic réservé

 

Et bien oui, la déchetterie cum tri sélectif de la Principauté.  

Tri sélectif et pronostic réservé

Au début, on disait « collecte sélective », ce qui avait un sens commun évident, à savoir que le ramassage des ordures n’est pas le même suivant le type de déchets, qu’on sélectionne, qu’on trie les déchets avant de les collecter. Et puis on est arrivé, comment je ne sais pas, à « tri sélectif », ce qui ressemble furieusement à un pléonasme, car enfin, comment trier sans sélectionner, comment sélectionner sans trier ?

Et puis j’ai pensé au « génie de la langue ». C’est une expression qu’utilisent les linguistes pour décrire certains phénomènes imprévisibles et sans logique apparente qui produisent cependant des locutions qui expriment au mieux la pensée des locuteurs avec une belle économie de mots. Je me suis dit que les gens ne disaient pas tri sélectif sans raison profonde, même inconsciente. J’ai donc été amené à penser que la collocation « tri sélectif » ne voulait pas simplement dire qu’on « trie » avant de collecter, mais qu’après avoir collecté on « sélectionne » ce qui pourra être valorisé. Autrement dit qu’il y a une hiérarchie dans les déchets triés et que certains ont plus de valeur que d’autres.

 

On a le même glissement dans le temps avec le « pronostic vital engagé » dont les médecins, imités par les journalistes, ont la bouche pleine depuis quelques années. Au début ils disaient pronostic vital réservé, ce qui avait un sens commun : ils réservaient leur pronostic ; que le malade aille vivre ou mourir, ils ne sauraient le prévoir ou le pronostiquer

Mais en médecine, comme dans de nombreuses professions où on se la pète, on ne veut pas parler comme le vulgum pecus, alors on jargonne. J’ai mis longtemps à comprendre le pourquoi de la nouvelle expression, pronostic vital engagé, qui littéralement ne veut rien dire : que l’on engage un pronostic ne dit strictement rien sur ce pronostic, même pas qu'il est réservé. Mais pas de génie de la langue ici, pur jargon. Et cela fait allusion à cette autre expression médicale absconse : le « risque vital » (risque de vie, en bon français). Non, m’insurgeais-je, c’est un risque de mort, donc un « risque mortel » ! Un risque de vie, ce n'est d’ailleurs pas un risque, sauf en cas de surpopulation ! Voilà du jargon qui vous sépare bien les catégories, d’un côté le malade qui n’a pas à savoir et de l’autre le médecin dont le savoir n’est pas à partager. Voilà un jargon qui fait bien le tri en somme, un tri très sélectif !

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Montpoulet - Port Saint-Louis du Rhône par la Via Rhôna

Publié le par Prince Bernard

 

Nous sommes partis vers la mer à vélo en suivant la ViaRhôna à partir de Tournon, l’ « Athènes ardéchoise ». Cela nous promettait de l’ultra-facile, du beau temps, du confortable : pas de camping, que des hôtels. Et pourtant nous nous retrouverions trois jours plus tard à risquer nos vies, trempés jusqu’aux os, à la recherche d'un abri pour la nuit.

La vrille a commencé au nord d’Avignon. Signalisation ViaRhôna totalement absente. Deux frères allemands qui nous précédaient vous le confirmeraient. Un automobiliste bienveillant nous dit qu’il existait une « piste cyclable » dans telle direction, après deux rond-points. Nous y allons, trouvons une bande cyclable non estampillée VR mais nous la suivons (faute de grives…) et elle nous emmène au centre d’une ville appelée Le Pontet. Où nous attend la pluie. Nous nous arrêtons sous un porche pour consulter les cartes en ligne. La 4G n’est pas terrible, nous entrons dans l’auto-école pour demander. La dame est très compréhensive et sa connexion bien meilleure. Elle a entendu parler d’une voie cyclable qui commencerait là-bas, au-delà de la zone commerciale. Je mémorise le trajet.

Nous trouvons l’avenue Louis Pasteur mais la pluie redouble et nous nous mettons à l’abri sous l’auvent d’un supermarché. Nous y sommes depuis deux minutes à consulter MapsGoogle quand un jeune homme de piètre apparence s’approche de nous pour nous demander d’utiliser mon téléphone. Sa voiture est là, immatriculée dans un département lointain, en panne sèche, sa carte bleue bloquée, son téléphone vidé d’électricité. Il veut appeler sa copine, dont il n’a même pas le numéro (fin du discours indirect libre). En plus il pue terriblement de la gueule. Qu’auriez-vous fait à ma place ? Demander comment on peut appeler quelqu’un sans connaître son numéro ! Très simple, il suffit d’aller sur sa page  Facebook et d’utiliser Messenger. J’ouvre l’appli, quel nom ? Nancy Starr ? Ben non, je trouve pas. « Monsieur, laissez-moi me connecter sur ma page, je vais pas vous le voler, votre portable !» Diable, il lit dans mes pensées ! Qu’auriez-vous fait à ma place ? Je lui tends mon appareil. Il se connecte et très vite il a sa copine au bout du fil. De mielleux et timide jusqu’à présent, son ton devient colérique : il l’insulte copieusement. La copine doit venir le chercher mais il ignore où il est. Je prends une photo du magasin pour qu’elle le géolocalise. C’est maintenant moi qui communique avec elle, et mon facebook restera sous le pseudo du jeune homme encore trois jours.

Pour l’heure, sous la pluie battante nous trouvons enfin, après nous être égarés dans un bidonville entre deux bretelles de voies rapides, la ViaRhôna. Une superbe voie verte qui nous emmène en Avignon au travers de banlieues déprimantes où les femmes sont voilées et les hommes en barbes longues. Des travaux le long des remparts nous compliquent encore la vie mais nous voici enfin de l’autre côté du fameux pont, en direction de Beaucaire, à un carrefour où un panneau VR mal orienté nous entraîne sur une fausse piste où il y a un hôtel. Nous sommes trempés, il est 16 heures, on pourrait bien s’arrêter là. Françoise refuse, elle veut avancer, c’est vrai que nous avons une date impérative d’arrivée aux Saintes Maries de la Mer le lendemain. Nous progressons alors le long d’une très jolie petite route, mais sous une pluie qui finit par me miner le moral.  Sous un pont où nous nous sommes réfugiés, je propose à nouveau l’hôtel. La batterie de mon portable n’a pas supporté l’épisode Nancy Starr mais celui de Françoise, d’une célèbre marque californienne, tient encore le coup. On va bien trouver un hôtel avant Beaucaire, répond-elle, et puis au pire, il y a AirBnB. Cela devient sa formule magique, son sésame ouvre-toi, AirBnB. Sous le pont, nous cherchons quand même un hôtel. Son application nous en signale en effet deux dans les environs. Le premier ne répond pas. Le deuxième, au doux nom de Lagon, évocateur de palmiers, de soleil et de bain chaud, nous répond, précise un prix très abordable ; je réserve. La dame précise qu’ils ne sont pas à Rochefort du Gard même, mais au bord de la Nationale 100. Cela tombe bien, c’est la grande route que la ViaRhôna suit à distance.

Vingt kilomètres plus loin en Aramon, trempés, nous n’avons toujours pas vu l’hôtel ni la route pour Rochefort du Gard. Il ne reste qu’une heure avant la nuit. Françoise interroge son portable à la recherche d’un AirBnB. La 3G lui permet tout juste de se rendre compte qu’il n’y en a pas. J’ouvre une vieille Michelin au 100000è, ah finalement, le papier ça marche encore pas mal, sans batterie ni couverture 4G, et je me rends compte que nous n’avons pas suivi la N100 mais la D2, nouvelle voie rapide, et considérablement dépassé la bifurcation pour Rochefort. Je choisis pourtant la seule option sûre d’un abri que nous ayons : le Lagon. Nous appelons et nous faisons expliquer la route. « Ah, vous arrivez par la petite route de montagne ! » Exit la ViaRhôna. Il faut franchir un col à deux chevrons Michelin. Mais le ciel, par pitié, arrête de pleuvoir. Nous rejoignons la Nationale 100 entre chien et loup et sous les klaxons des automobilistes qui nous reprochent de n’être pas éclairés. Je déballe quatre clignotants à led que j’installe tant bien que mal sur les sièges de nos vélos couchés. Nous prenons la Nationale en direction d’Avignon, seule solution pour trouver l’hôtel à coup sûr. Bientôt nuit noire, les fesses serrées, les yeux plissés pour tenter d’apercevoir la limite entre le goudron et le fossé, contents finalement des voitures qui nous dépassent à vive allure mais qui nous éclairent la route. Nous arrivons à un rond point, nous nous renseignons auprès d’un groupe de fumeurs. « Ah, le magasin de Harley Davidson (notre indice), c’est le rond-point suivant, à 5 km, vous en avez des vélos bizarres, pas de guidon ? Et vous n’avez pas d’éclairage, mais c’est dangereux ! ».

Le Lagon au bout d’une course folle, enfin, à 21h…

Deuxième épisode : Mon pneu menace d'éclater en plein milieu de la Grande Camargue et de ses méchants taureaux.

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Sècheresse saharienne

Publié le par Prince Bernard

Au chevet de la source de Montpoulet : presque un goutte-à-goutte !

 

C’était un film sur la deuxième guerre mondiale, qui se passait au Sahara, peut-être avec le Général Rommel, le Renard du Désert, et ce film, qui m’avait beaucoup marqué quand j’étais enfant à cause d’un détail que beaucoup d’entre vous jugeront insignifiant, a, ces jours-ci un retentissement inattendu ici à Montpoulet.

Si ma mémoire est bonne (je n’ai pas retrouvé le nom de ce film, si on peut m’aider...) , il s’agit d’un détachement de l’armée britannique qui trouve refuge dans une oasis encerclée par des forces allemandes bien supérieures en nombre. La position est facilement défendable mais les anglais ne pourront soutenir le siège que s’ils ont suffisamment d’eau. Or la source de l’oasis est réduite à un goutte-à-goutte. Les Anglais décident de bluffer les Allemands. Lorsque ceux-ci envoient une ambassade, sous drapeau blanc, pour convaincre les Anglais de se rendre, ces derniers, avec deux cuvettes pleines d’eau font semblant de se laver en prenant soin de n’en rien gaspiller et de la garder pour boire. Les Allemands repartent persuadés que leurs ennemis ont suffisamment d’eau pour tenir des mois et abandonnent le siège. Je repars de ce film estomaqué qu’un goutte-à-goutte puisse assez rapidement donner l’impression d’une profusion d’eau.

C’est notre situation actuelle. Les sources des voisins sont sèches, la nôtre remplit une pinte en 155 ou 160 secondes selon les jours, soit environ 180 litres par jour. Ce qui nous évite de ne boire que du vin. La question reste cependant de la provenance de cette eau. On a démontré qu’elle pouvait venir des Alpes, par dessous le Rhône, mais je la soupçonne de venir de plus loin, par dessous la Méditerranée, de l’oasis des Anglais !

Sécheresse, même la fontaine de Pailharès, d'ordinaire tempétueuse, ne tient plus qu'à un cheveu.

Sécheresse, même la fontaine de Pailharès, d'ordinaire tempétueuse, ne tient plus qu'à un cheveu.

Sècheresse : au creux du Ruisseau de Montpoulet (un des principaux affluents du Rhône, par l'intermédiaire de la Daronne et du Doux), un champignon profite de l'humidité résiduelle d'un peuplier cassé par le vent.

Sècheresse : au creux du Ruisseau de Montpoulet (un des principaux affluents du Rhône, par l'intermédiaire de la Daronne et du Doux), un champignon profite de l'humidité résiduelle d'un peuplier cassé par le vent.

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Envol depuis la terrasse

Publié le par Prince Bernard

Envol depuis la terrasse (merci Louis et Leena), vue sur le sud de la Principauté ainsi que sur la Confédération des États du Sud. Au loin les préalpes dont Les Trois Becs. Le temps n'est pas très clair, on n'aperçoit donc pas, comme d'habitude, Dhulikhel, le col entre Katmandou et la frontière chinoise. Rotation par la gauche ; on aperçoit bien les ruines du site prépoulemontois de Ternaud, puis la vallée du Rhône, au loin le Mont Blanc et enfin le village français de Saint-Victor-aux-Trois-Clochers.

Le coup d'œil circulaire se termine sur la propriété voisine de La Poulaire, dont on aperçoit bien la piscine puis l'on redescend sur le centre de la Principauté avec un autre mouvement tournant, vers la droite cette fois, pour embrasser la façade sud-est du Palais Principal.

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Montés sur leurs grands chevaux

Publié le par Prince Bernard

Pour venir à Montpoulet ils sont montés sur leurs grands chevaux... j’utilise l’expression au sens propre parce qu’au figuré... les agressifs, les colériques et les caractériels (ceux dont on dit, quand on veut être gentil, qu’ils « ont du caractère »), à Montpoulet on n’en veut pas. Non, de vrais grands chevaux, du type qu’enfourchaient les chefs de guerre autrefois quand ils ne montaient pas simplement pour aller chercher leur baguette de pain mais pour entreprendre de grandes choses, des batailles, des conquêtes, des croisades. Il y avait là un percheron, imposant et docile, un cheval d’attelage sauvé in extremis de la boucherie par son maître ; il y avait là un appaloosa dont la race fut créée par les Nez Percés à l’époque où l’Ouest américain parlait français, cette nation indienne habitant près de la rivière Palouse, une région d’herbe rase, de… pelouse)...

Montés sur leurs grands chevauxMontés sur leurs grands chevaux
Montés sur leurs grands chevaux

il y avait là un paint horse, une autre des trois races autorisées en concours de « monte western » et… un quatrième, à la belle robe brune, dont je n’ai pas mémorisé la race. Ils ont tous, semble-t-il, apprécié l’herbe verte, comme l’herbe sèche en meule, de Montpoulet...

Montés sur leurs grands chevauxMontés sur leurs grands chevaux
Montés sur leurs grands chevaux

... qu'ils ont transformée en amusantes boulettes de fertilisant.

Montés sur leurs grands chevauxMontés sur leurs grands chevaux

Harnachés, sellés... partis.

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Nouvelle autoroute à Montpoulet

Publié le par Prince Bernard

 

L’ouverture de cette nouvelle route n’était pas prévue si tôt. Mais la nécessité d’aller quérir du bois dans une parcelle éloignée, sans risquer de faire verser ma remorque, m’y a contraint. Surtout que cette nouvelle « radiale » fait d’une pierre deux coups : elle me fait dégager, trier, désoucher l’un des plus longs éboulis de murets de la Principauté. Travaux préliminaires et ingrats indispensables avant d’envisager le plaisir de rebâtir. Je n’ai donc prévenu personne, pour éviter de faire face à des zadistes, et je me suis mis aux manettes de mon Goldorak personnel et j’ai… tracé.

Nouvelle autoroute à Montpoulet
Nouvelle autoroute à Montpoulet
Nouvelle autoroute à Montpoulet
Nouvelle autoroute à Montpoulet
Nouvelle autoroute à Montpoulet
Nouvelle autoroute à Montpoulet
Nouvelle autoroute à Montpoulet
Nouvelle autoroute à Montpoulet
Nouvelle autoroute à Montpoulet
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41é épisode : The Mountchicken Principality

Publié le par Prince Bernard

 

Françoise et Bernard ont racheté en 1994 la ferme totalement en ruines de l’arrière-grand-père de Bernard, à Montpoulet. Ils viennent d’abord y passer leurs vacances et débroussaillent. Ils retrouvent la source, une faune fabuleuse, des voisins hospitaliers tandis que la configuration cabalistique des fondations les fait espérer un trésor. Ils viennent s’installer dans une caravane en 1997. Leur permis de construire, refusé trois fois, est finalement accordé sous conditions drastiques, et les travaux vont bon train malgré l’amateurisme de ces néo-ruraux. Après avoir retourné son tracteur trois fois, Bernard fait écrouler toute une façade ; deux pins manquent tout juste de lui coûter la vie, leur poulailler est razzié par des prédateurs mais heureusement ils bénéficient de l'aide d'autres animaux qui témoignent de l'état naturel bien préservé de Montpoulet. Ils bénéficient du formidable coup de main d'un personnage haut en couleurs qui leur fournit la goutte qui fit déborder le vase (voyez les épisodes précédents : http://www.magnouloux.fr/lachroniquedemontpoulet).

 

La Principauté de Montpoulet est une principauté auto-proclamée. Comme celle de Monaco, rien de plus, rien de moins. Ah si ! Nous, nous l’avons acheté, alors qu’à Monaco, ils l’ont prise d’assaut… Nous en sommes donc Prince et Princesse. Un adoubement que je me suis amusé à justifier ainsi :

Pour être sérieux un instant, il faut convenir que la noblesse des sentiments, la noblesse d’âme, la noblesse tout court n’est pas le monopole, ni même parfois l’apanage, de ceux qui portent un titre de noblesse. Et qu’est-ce qu’un titre de noblesse, à l’origine, sinon le nom des terres qu’on vient d’arracher par la violence, le meurtre ou la ruse, en bref par la guerre, à son ancien occupant ? Qu’est-ce qu’un titre de noblesse, à l’origine, sinon une fioriture et un essai de transcendance ajouté à la voracité, à la cupidité, à l'appétit d’un petit chef de guerre qui sait mieux se battre, qui sait mieux mal faire que les autres ? Et voilà notre chef de hordes franques qui devient « de France ». Avec toutes les billevesées, toutes les bondieuseries destinées à faire croire à quelque improbable sang bleu, à quelque choix des supposées puissances surnaturelles, mais rien de plus finalement à ces niveaux-là qu’une gigantesque supercherie. Aux origines.

Maintenant, je concède que, fors les origines, le titre hérité ou le titre mérité s’est souvent accompagné de la noblesse d’âme. De la noblesse qui conduit les officiers aristocrates à monter à l’assaut sabre au clair sous la mitraille à la tête de leurs escadrons. De la noblesse qui conduisent certains barons d’industrie ou serviteurs de l’État à particule à sincèrement mettre leur vie au service de la communauté. Mais enfin, tout bien pesé, il n’y a rien de scandaleux, ni même rien de nouveau à ce que j’accole à mon patronyme le nom de mon lieu d’habitation. Et je voudrais même que cela soit un exemple, et que chacun, en se parant d’un pseudonyme noble s’engage à l’honorer par de nobles sentiments. Ce serait un formidable outil d’éducation et d’égalité. On pourrait s’appeler Durant de Montpellier, Martin du Gard, Adamcewski de la Sorbonne mais aussi Mourad de Saint-Germain ou Leïla de Garges-lès-Gonesse. Un outil contre la raréfaction des patronymes qui paraît-il nous menace. Nous avons d'ailleurs là un célèbre précurseur avec Voltaire. De son vrai nom Harouet, il se faisait appeler de Voltaire et au rejeton d'une puissante famille aristocrate qui le lui reprochait, il répondit « Je commence mon nom, vous terminez le vôtre ». Cela lui valut d'être bastonné puis exilé. Que je sois exilé de Montpoulet me peinerait beaucoup mais je persiste.

 

Très rapidement d'ailleurs l’usage officialisa la chose. Au départ, il suffisait de dire que le lieu était « dit » Principauté de Montpoulet. Incontestable. Nous avons donc fait adresser nos factures au « lieu-dit Principauté de Montpoulet » puis sous-entendu, comme c’est la coutume partout, l’intitulé « lieu-dit ». Les factures téléphoniques ont servi d’attestation de domicile, et j’ai obtenu une carte d’identité qui donnait pour mon adresse « Principauté de Montpoulet ». Cela amusa beaucoup le maire et sa secrétaire, si bien que lorsque ce fut le tour de Françoise, qui, elle, ne goûtait pas la plaisanterie, ils ont insisté pour qu’elle fasse de même. Nous avons maintenant nos deux passeports à cette prestigieuse adresse. Et le maire m’a longtemps demandé comment il devait m’appeler, Monsieur ou Monsieur le Prince ? J’ai toujours répondu « Faisons simple si vous voulez bien, appelez-moi Monseigneur ! »

Une fois la Principauté de Montpoulet devenue officielle et notamment sur les cartes, il fallut bien songer à une alliance. Le Commonwealth, cette association d’anciennes colonies britanniques, s’imposa puisque l’anglais est la deuxième langue la plus parlée à Montpoulet. Et pour y nous préparer, la Route Nationale 1 (de Montpoulet) s'est parée de nouveaux panneaux bilingues :

41é épisode : The Mountchicken Principality
41é épisode : The Mountchicken Principality
41é épisode : The Mountchicken Principality

En fait l'idée est venue lors de mon anniversaire l’été 201x où je suis devenu un peu plus qu’un quinquagénaire. Tel un monarque libéral, j’ai décidé d’accorder l’indépendance… enfin, plus exactement, j’ai dévolu les pouvoirs de direction… aux roues avant de mon tracteur. Elles vont maintenant où elles veulent. Il faut dire qu’elles militaient depuis longtemps. Elles font partie du Mouvement pour les Droits Inédits, un moyen normalement commode pour donner à ses leaders de confortables postes de fonctionnaires. Par exemple : « le droit de rouler à gauche quand l’autoradio diffuse une chanson anglaise » ou, beaucoup plus classique, « le droit de partir à la retraite avant tout le monde pour avoir le temps de s’entraîner à ne rien faire ».

Histoire de satisfaire tout le monde, j’ai décidé de ne diffuser que de la musique anglaise et d'instituer la conduite à gauche pour tous, la seule qui soit parfaitement naturelle et qui préexistait partout avant que Napoléon ne bouleversât tout.

 

Participant toujours de notre effort à nous faire accepter du Commonwealth et donc à nous doter d’une culture britannique, nous avons ensuite inauguré notre golf, un modeste pitch and putt pour commencer. Modeste mais retors. Avec nos pentes à dahuts, les golfeurs doivent s’encorder avant de songer à frapper leur petite balle et la doter d’une petite ficelle en nylon solide pour le cas où elle dégringolerait jusque chez nos voisins d’en bas. Du golf-jokari en somme.

La troisième mesure d’anglicisation nous a été imposée par les événements. Notre poulailler étant, nous l'avons vu, constamment l’objet d’attaques de prédateurs, nous nous sommes protégés des rapaces en installant des filets, et des chiens errants en renforçant la porte qu’ils avaient défoncée. Mais les renards ont pour eux la ruse d’agrandir la moindre des mailles faibles de la grille, patiemment, jusqu’à obtenir un trou par lequel ils arrivent non seulement à entrer mais à extirper les corps de leurs victimes. Il fallait donc prendre une mesure énergique et d’envergure.

Aussi avons-nous décidé d’institutionnaliser la chasse au renard. C’est à Roger que revint le mérite du premier gibier, un superbe mâle qu’il a occis d’un coup de... binette, quasiment sans le vouloir, d’un geste réflexe lorsque le renard, prisonnier du poulailler, il ne retrouvait plus son trou, sautait de tous côtés. Bon, la méthode n’est pas très anglaise. La chasse au renard chez les sujets de sa majesté ne se faisait pas à binette mais à courre. Mais il fallait bien adapter la tradition au terrain particulièrement accidenté de Montpoulet. Donc la binette.

Roger, déjà fait par nous Marquis de la Ronce pour son travail consciencieux au jardin, fut ainsi nommé « Grand Veneur » pour le courage exceptionnel dont il fit alors preuve. Et la nouvelle se répandit chez les goupils. Plus aucun d'entre eux ne s'est plus risqué à portée de binette.

Les britannisations suivantes tiennent au progrès de la technique. Maintenant que nos véhicules sont équipés du positionnement par satellites, il nous a fallu revoir quelques certitudes : le col d’entrée dans la Principauté est à 663 m d’altitude et non pas à 650 m comme je l’avais hâtivement calculé sur carte en espérant qu’il devînt ainsi lieu de rassemblement pour la Confrérie des 650 (il s’agit du diamètre de leurs roues, en millimètres, en derniers défenseurs du système métrique pour le vélo) et la distance au premier village français, Saint-Victor, n’est pas de 2 km mais très précisément de 1604 m. Il s’agit donc pile d’un mile anglais, de quoi accélérer notre adoption des mesures impériales : nos pneus et nos écrans s’étaient déjà mis aux pouces sans que nous ayons à intervenir et il ne nous reste plus qu’à adapter la mesure du débit de notre source miraculeuse.

Après 100 mm de pluie en cinq jours, elle est à son maximum, presque 10 m3 par jour : Comment le sais-je ? Parce que je mesure le débit à l'aide d'un mug d'environ 30 cl (bientôt « half pint »). Et le nombre de secondes qu'il est nécessaire à la source pour remplir la mesure me permet, grâce à une sorte de Pierre de Rosette opportunément placée, non pas (encore) au British Museum, mais à proximité, de trouver le débit (oui, encore en litres, mais bientôt en quarts et gallons).

41é épisode : The Mountchicken Principality

L'information ne serait pas complète sans le débit des mois de septembre, en fin d'été : autour de 300 litres/jour. Comme cela suffit à peine pour les douches, les chasses et les lessives, boire du vin devient impératif et c'est alors que la source fait des miracles.

 

J'allais oublier un détail qui nous classe irrémédiablement dans le camp britannique : des points à la place des virgules pour séparer les entiers des décimales. Déjà plein de gens font comme nous, même les supermarchés !

Et puis, naturellement, notre Principauté éveilla les appétits financiers : il semblerait que le seul terme de Principauté évoque aussitôt chez certains la perspective de gruger le fisc et d’éviter de contribuer au bien public, ce qui, comme on le sait maintenant bien mieux qu’avant, consiste à payer des intérêts aux banques dont nos gouvernements successifs, par leurs largesses tous azimuts, se sont rendus les débiteurs. Alors nous acceptons et décrétons :

Nous, Bernard 1er, Prince-Evêque de Montpoulet, Messycle de l’Église des Cataphotes Resplendissants, décidons de rémunérer les sommes qui nous seraient confiées à l’indice M (comme Madoff) + 10 par semaine. C'est-à-dire que pour 1000 Euros que l’épargnant nous remettrait, nous lui retournerions, dès la semaine suivante, le temps de vérifier que son chèque n’est pas en bois, du bois nous en avons déjà beaucoup, la somme de 1200 unités de monnaie du pape (UMP), en espèces.

 

41é épisode : The Mountchicken Principality

J’ai enfin rempli le formulaire d’adhésion au Commonwealth et l’ai expédié à Londres, au Palais de Buckingham, accompagné des pièces justificatives des opérations décrites ci-dessus. Il n’y a plus qu’à attendre la réponse. Et tout à l'excitation de converser avec les grands de ce monde, tout gonflé de la prétention de mon titre nobiliaire, j'écrivis aussi à l'Armée de l'Air pour poser réclamation. Je vous raconte cela la prochaine fois.

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40é épisode : Vannerie et conquête spatiale

Publié le par Prince Bernard

 

Françoise et Bernard ont racheté en 1994 la ferme totalement en ruines de l’arrière-grand-père de Bernard, à Montpoulet. Ils viennent d’abord y passer leurs vacances et débroussaillent. Ils retrouvent la source, une faune fabuleuse, des voisins hospitaliers tandis que la configuration cabalistique des fondations les fait espérer un trésor. Ils viennent s’installer dans une caravane en 1997. Leur permis de construire, refusé trois fois, est finalement accordé sous conditions drastiques, et les travaux vont bon train malgré l’amateurisme de ces néo-ruraux. Après avoir retourné son tracteur trois fois, Bernard fait écrouler toute une façade ; deux pins manquent tout juste de lui coûter la vie, leur poulailler est razzié par des prédateurs mais heureusement ils bénéficient de l'aide d'autres animaux qui témoignent de l'état naturel bien préservé de Montpoulet (voyez les numéros précédents de l'Écho des Trois Clochers, ou bien http://www.magnouloux.fr/lachroniquedemontpoulet). Ils bénéficient aussi du formidable coup de main par un personnage haut en couleurs.

 

Nous assistions à l'assemblée générale de Chantelermuze, l'association culturelle du village, quand il a pris la parole. Nous n'étions arrivés que depuis quelques semaines et en l'entendant, je me suis dit alors là ! alors là, j'y suis bien, au fin fond de l'Ardèche ! Il y a encore des gens qui parlent avec cet accent du fond des âges ! Cet accent est un mélange de plusieurs choses, une intonation différente, un rythme différent et la prononciation originale de certains sons. Le plus spectaculaire est la disparition de certains « r ». Par exemple mercredi se dit « me'credi », comme s'il y avait un « r » de trop qui rendrait le mot trop dur à l'oreille, à la façon des Incroyables d'après la Révolution, ou des Antillais.

Il s'agissait de Pierre le vannier. Il animait l'atelier de vannerie à Chantelermuze et c'est là que Françoise fit sa connaissance, ce qui l'amena à Montpoulet.

40é épisode : Vannerie et conquête spatiale

Un mot d'abord sur l'atelier de vannerie. Il s'y perpétue un artisanat qui n'a plus l'incontournable nécessité d'autrefois mais qui présida... aux débuts de la conquête spatiale. Parfaitement. Je vais le démontrer tout à l'heure.

Laissez-moi d'abord expliquer que la fabrication traditionnelle des paniers emprunte ici deux techniques différentes. La première produit d'ailleurs des paniers qu'on n'appelle pas paniers mais « benelles ». Il s'agit d'une armature en châtaignier, c'est à dire de rejets partagés en deux pour la anse et le rebord, et de lamelles en pin sylvestre, découpées à l'Opinel dans des troncs dont le choix requiert des connaissances précises et peu répandues. L'intérêt de cette première technique, c'est qu'on peut produire des paniers en abondance et les vendre moins chers que les autres.

 

40é épisode : Vannerie et conquête spatiale

La deuxième technique est moins rentable en ce qu'elle nécessite de plus nombreuses heures de travail. Il faut en effet tresser autour de la même armature en châtaignier une sorte de paroi en osier, appelé ici « (a)marine », et qui n'est ni plus ni moins que la fine repousse d'un saule pleureur qu'on aura taillé ras. Le panier ainsi tressé est d'une résistance exceptionnelle et notamment parce que l'ensemble est élastique. D'où la conquête spatiale, mais oui.

40é épisode : Vannerie et conquête spatiale

C'est la ville d'Annonay, à une demi-heure au nord, qui s'enorgueillit d'être le berceau de la conquête spatiale. À double titre, mais je vous réserve le deuxième pour plus tard. Ce n'est en effet ni à Cap Canaveral, ni à Kourou, ni à Baïkonour que l'homme s'est pour la première fois affranchi de la pesanteur, qu'il a échappé pour la première fois à l'attraction terrestre. C'est en Ardèche, en Annonay, grâce au ballon gonflé d'air chaud des frères Montgolfier. Annonay, où se rejoignent deux torrents d'eau limpide, la Cance et la Deume, qui est depuis l'antiquité un lieu favorable à l'industrie du cuir puis du papier que fabriquaient les Montgolfier. Et pour clore sur le lien entre vannerie et conquête spatiale, tout le monde peut constater que les nacelles des Montgolfières furent, et sont encore, réalisées en osier pour sa robustesse et son... effet d'amortisseur à l'atterrissage.

40é épisode : Vannerie et conquête spatiale

À propos, il me faut conter que lorsque, enfant, je rendais visite à mes grands-parents, ici à Saint-Victor, c'était déjà pour moi de la conquête spatiale. Nous nous rendions à vélo dans le village d'Andance, de l'autre côté du Rhône, ce fleuve qui a longtemps fait frontière avant de faire lien entre Drôme et Ardèche. Mon père allait boire un coup dans un café pour avoir l'autorisation de laisser les vélos à l'abri de leur garage et nous prenions un car pour Annonay. Là, il fallait patienter plusieurs heures dans la salle d'attente de la compagnie des cars pour prendre la correspondance pour Lamastre. Le nom de la compagnie existe encore au fronton d'un immeuble qui domine la Place des Cordeliers. Le car nous débarquait à la Croix de Navas. J'ai encore en mémoire l'odeur si particulière qui me prenait alors aux narines : un mélange d'aiguilles de pin, de bouse de vache et de sable granitique. J'arrivais sur la planète Mars...

Dans le hameau de Navas, mes grands-parents n'avaient pas l'eau courante, labouraient leurs champs en attelant deux vaches à un joug de bois et fabriquaient leur beurre en secouant une bouteille de lait. La vie était rythmée par l'angélus que sonnait la petite chapelle du hameau et par l'étrange musique que produisait le Fonsou ou le Tuné, je ne sais plus lequel, des deux frères était simple d'esprit, en frottant et en frappant une pièce de métal avec une pierre.

 

40é épisode : Vannerie et conquête spatiale

 Pierre le vannier fait maintenant le lien entre mes visites d'enfance et le présent en nous racontant des histoires. Il vient souvent à Montpoulet. Il est d'abord venu nous aider à brûler. Comme nous avons fait abattre les arbres qui entouraient la ruine et comme dans ces cas-là on ne débarde que les troncs, il demeurait sur place d'énormes tas de branches, que Françoise appelait un Mikado géant, dont il fallait bien se débarrasser. Tous les mois nous sollicitions l'autorisation de brûler et tous les jours nous téléphonions aux pompiers pour les prévenir que nous mettions le feu. Pierre approchait de ses soixante-dix ans et il tenait pourtant une forme physique étonnante. Que lui garantissait le seul exercice physique qui vaille, celui du travail au grand air. C'est sans doute son dernier emploi qui lui avait valu la ceinture abdominale d'acier qu'il venait entretenir chez nous. Il travaillait chez le charpentier du village et lorsque ce dernier s'était lancé dans la commercialisation de la ronce de noyer, il avait fait appel à Pierre. La ronce de noyer, c'est ce bois si particulièrement veiné qu'on trouve dans la protubérance à la jointure tronc et racines. Ce qui interdit qu'on abatte ou arrache l'arbre, par crainte de déchirer les fibres aux circonvolutions et dessins si particuliers. Je me souviens d'un film publicitaire pour une marque anglaise de voiture de luxe dont on vantait l'habillage intérieur en ronce de noyer. Cela devait tenir d'une mode qui soutenait alors la demande. Le patron de Pierre repérait les noyers dans les fermes, les achetait, et Pierre arrivait, avec pour principaux outils la pelle et la pioche, les meilleurs appareils que je connaisse pour se faire les abdominaux.

« Je commençais par creuser au pied de l'arbre, raconte Pierre, jusqu'à ce que j'arrive à la pivotante, la racine qui s'enfonce tout droit pour chercher l'eau. Le trou était alors aussi profond que moi. Après, j'avais plus qu'à faire le tour de l'arbre, en coupant les racines à l'ébrachou. Je faisais une pause à midi, mangeais mon casse-croûte et faisais une petite sieste. En fin de journée, je tranchais une dernière racine et l'arbre se couchait sur un côté, y'avait plus qu'à le charger. » 

 

40é épisode : Vannerie et conquête spatiale

 Pour qui sonne le glas ?

« Le Branca, il était bien copain avec votre arrière grand-père, me dit-il une fois sans parvenir à me tutoyer. Une fois il était venu tuer le cochon à Montpoulet, il avait bien neigé, et vous savez, tuer le cochon, en ce temps-là, c'était pas que tuer le cochon. Le Branca, quand il sortait du bois, avec ses bœufs, c'était du 18 ou 20 litres de vin par jour qu'il buvait ; avec ses deux ouvriers, mais quand même... Donc, il était reparti en pleine nuit après avoir tué le cochon et bien bu. Mais le lendemain, le Branca, qui était le beau-père du sabotier, il était pas chez lui. Ses garçons viennent ici, personne, alors ils le cherchent partout et ils finissent par le trouver, sous la neige et les broussailles. Il avait tiré tout droit, au sommet, vous voyez, là où y'a le châtaignier, donc il était tombé dans le chalet d'en-dessous, puis dans celui encore en-dessous et là, avec la neige et les buissons, plus moyen d'en sortir, donc il s'était endormi sur place. Ils l'ont amené à la maison et l'ont mis près du feu, comme un petit cochon à la broche. Il était gelé, mais il s'en est tiré. Un petit bonhomme c'était, mais dur, mais dur ! »

« C'est pas comme Le Vové, lui les gendarmes lui mettaient les menottes, il demandait à pisser, on lui enlevait les menottes, il leur pissait sur les pieds, ils faisaient un pas en arrière et il foutait le camp… Ma mère en avait peur, tout le monde en avait peur, il mettait le feu à tes meules de foin si tu lui payais pas à boire ; il arrivait en chantant la Messe des Morts, tu l’entendais de loin, t’avais plus qu’à sortir la bouteille et pendant que tu trayais tes vaches, il buvait la bouteillle dans son coin et après il disait « je vous embête, allez » et il partait dans la ferme d’à côté. Mort d’un coup de couteau, par son meilleur copain, à même pas cinquante ans. Il habitait à Berger. Une fois il a fait sonner le glas pour la mort de son père. Le père arrachait des patates, il lui dit t’entends le glas — Oui, qui c’est qui peut bien être mort ? — C’est toi ! Ah ah aha... Il l’avait dit à Fonsou, et Fonsou a pas cherché à comprendre. »

Fonsou le frère du « Tuné », tout le temps en train de frotter quelque chose ou à sonner les cloches. C'est à cela que par tradition qu'on employait les simples d'esprit. On en faisait des sortes de bedeaux, d'où le cruel sobriquet donné aux Ardéchois par les Drômois.

 

« C'est presque la même histoire de glas qui s'est passée pour votre arrière grand-mère, en... attendez, oui, l'année du grand froid où la glace tapissait le mur de ma chambre. C'est Chabannes le taxi qui était venu quand elle était tombée dans le feu, sans doute trop fiaule. Mais pas question de ramener le corps à Montpoulet, il avait trop bataillé pour sortir du trou, alors il la porte chez sa fille, à Navas, votre grand-mère. Le glas sonne à Navas, on compte les coups, c’est une femme. Quelle femme pouvait bien avoir passé à Navas, on n'arrivait pas à savoir... »

Après nous avoir aidé à brûler les branches, Pierre nous a aidé à dégager la ruine de ses gravats, argile et pierres. Il le sentait bien que pour continuer à vivre, il fallait continuer à se dépenser physiquement, il le savait bien que vivre, c'est travailler.

 

Il avait cependant une autre passion, qui aurait pu être funeste : fabriquer de l'eau de vie. Ou plus exactement faire fermenter des fruits pour les porter « à l'alambic » une fois pas an. Il s'agit d'une vieille coutume devenue avec Napoléon le « privilège » des personnes possédant des parcelles classées en verger et où, naturellement, poussent des arbres fruitiers. Ce privilège permet de ne pas payer de taxe jusqu'au millième degré (soit vingt litres à 50°). Quiconque autre peut aussi faire distiller mais il paiera une taxe de quelques euros par litre, taxe doublée après le millième degré. Le privilège n'est plus héréditaire depuis 1960 et, régulièrement, de nouvelles lois en réduisent la validité dans le temps. Mais à notre arrivée, ma grand-mère en était encore titulaire ; elle possédait quelques cerisiers. Pierre était son fondé de pouvoir. Il se moquait complètement des cerises de la grand mère et il lui arriva même, racontait-il, qu'un distilleur se moque aussi complètement de ses fruits à lui et lui propose l'alcool contre une simple signature sans qu'il eût à se fatiguer. Mais Pierre tenait à distiller ses propres prunes. On croirait donc reconnaître là l'amateur des effluves incomparables d'une gnôle de poire ou de prune, ou d'un bon marc. Et bien pas du tout. Le paradoxe est que Pierre ne buvait plus une goutte d'alcool depuis des années. Il n'avait d'ailleurs pas d'odorat, ce qui en faisait, chez son patron menuisier, le préposé tout naturel aux Pompes Funèbres.

Il ne goûtait pas une goutte de sa gnôle, qu'on appelle justement la goutte, mais il en faisait tous les ans pour ma grand mère. Une sorte de monnaie d'échange à la campagne. On paye un petit verre à ses visiteurs, au facteur, aux pompiers, on offre une bouteille quand on vient dîner etc. C'est ce que dut expliquer Françoise à une douanière. Il se trouva une inspection des douanes l'année même de notre arrivée à Montpoulet, une coïncidence. La douanière demandait comment il était possible qu'une dame de plus de 80 ans pût consommer plusieurs litres d'alcool par an. Peut-être supputait-elle finalement qu'il se fût agi d'un élixir de longue vie ? En tout cas, c'est très légalement, au moins pour une partie, que nous fûmes embauchés par Pierre pour l'opération distillerie.

 

L'alambic était à Colombier-le-Vieux. C'est le village qui fait face à Montpoulet, de l'autre côté de la vallée de la Daronne et juste avant celle du Doux. Les mauvaises langues disent que le clocher de l'église, que l'on aperçoit très bien de Montpoulet, n'a d'horloge que sur trois faces. Il n'y en pas du côté de Deyras parce qu'on en aimait pas les habitants et qu'on ne voulait pas leur donner l'heure !

C'est par contre par là que je dois passer, par la toute petite route entre Deyras et Colombier le Vieux, pour transporter dans ma vieille fourgonnette, quelques 600 kg de fruits fermentés contenus dans les tonneaux bleus, bien nettoyés à l'eau chaude qu'on se rassure, qu'on utilise dans les industries annonéennes et que les ouvriers récupèrent. Je passe par là pour éviter les contrôles de gendarmerie. La mission de Françoise est différente : elle doit évacuer de petites quantités de goutte, discrètement, tandis qu'on laisse attendre jusqu'à 17h les quantités soumises à la taxe, potentiellement contrôlables par la maréchaussée. C'est qu'en effet, une partie non négligeable de l'élixir de vieillesse non seulement échappe aux impôts grâce au « privilège » mais aussi grâce à l'escamotage et ce qui ressemble fort à de la contrebande. La petite route que je dois emprunter est pire d'un sentier pyrénéen. Elle descend dans les gorges de la Daronne et en remonte de façon tellement abrupte que j'ai cru que mon moteur allait caler.

Il ne cala pas et c'est vraisemblablement après dégustation de la goutte aussi subrepticement mais durement donc bien acquise que je décidai de me faire Prince. Je vous dis tout de suite comment. 

 

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Publié le par Prince Bernard

             Le buis est l’olivier de nos montagnes. Son bois au grain très fin permet les sculptures les plus délicates et les plus résistantes à la fois. On en fabrique par exemple un petit outil pour  fendre les tiges d'osier dans la fabrication des paniers. Dans la tradition catholique, pour la fête dite des Rameaux, on fait bénir des rameaux d’olivier partout dans les basses terres, mais ce sont des rameaux de buis que l’on fait bénir ici. Pas une maison sans un buis à portée de main. Nous en avons trouvé deux très gros à notre arrivée à Montpoulet, avec des troncs de 15 et de 18 cm de diamètre, ce qui serait un maximum possible et indiquerait un âge approchant les 150 ans. 

          Il y a de nombreuses variétés de buis, principalement dans les régions chaudes du globe et très peu résistent au gel, mais c’est le cas du buis de chez nous, le buxus sempervirens. Il résiste au gel mais pas à l’invasive orientale : la chenille de la Pyrale du buis, ou diaphana perspectalis (ce que je me risquerai bien imprudemment à traduire par « laisse voir à travers ceux qui cherchent à voir à travers »)

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         Dans la vallée du Rhône le mal est fait. Le Dauphiné a rapporté des maisons où l’on ne peut plus allumer de lampes dans attirer des milliers de ces papillons blancs aux liserés gris ; des conducteurs qui, sur l’autoroute, doivent réduire leur vitesse puis s’arrêter pour nettoyer leurs pare-brise. Le long de la voie verte Berges de l’Isère tous les buis, sauvages ou pas, ressemblent à de grands fantômes jaunâtres, encombrés de déjections et de fils de soie, comme des toiles d’araignées sales.
 

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         Les grands parcs, les châteaux qui pratiquent l’art topiaire, sont aux abois. Peut-on imaginer le jardin du Luxembourg, les parcs de Versailles ou de Vaux le Vicomte, le labyrinthe de Merville, la Principauté de Montpoulet sans leurs buis centenaires ?
         Peut-on lutter ? Oui, pense Marc Mennessier dans un article du Figaro de juin 2016. Il y eut une première période de panique où l’on devait hésiter entre d’un côté un produit réputé biologique, le Bacille de Thuringe, difficile d’emploi et finalement peu efficace, et de l’autre côté un insecticide à base de diflubenzuron, à l’action choc. Ce dernier est sans danger pour la faune auxiliaire mais son image souffre de la campagne de dénigrement des pesticides menée par certains groupes d’intérêt. Un plus grand espoir naît maintenant des recherches de l’INRA qui propose des pièges à phéromones qui capturent les mâles avant qu’ils puissent féconder les femelles. Inconvénient, il faut 6 pièges à l’hectare, à 18€ le piège dont il faut renouveler les phéromones toutes les huit semaines, à 4,5€ la recharge. Un espoir bien coûteux donc.
     Une autre solution serait l’introduction de petites mouches, que l’Inra est en train de sélectionner, capables de s’attaquer aux œufs. Mais ne risquerait-on pas d’aller de Charybde en Scylla avec un autre parasite dont on ne pourrait pas se débarrasser, à l’instar des coccinelles asiatiques qu’on a introduites en agriculture bio pour lutter contre les pucerons et qu’on associe maintenant à une infestation monstrueuse qui non seulement envahit les maisons de façon déplaisante mais contribue à la disparition des coccinelles indigènes.
      Alors faut-il se résigner et penser, comme nombre de spécialistes, que la seule chose qui viendra à bout de la pyrale du buis, ce serait... la disparition totale du buis ?

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